Moscou joue un rôle important dans le processus de paix coréen


Par Alex Gorka – Le 18 octobre 2018 – Source Strategic Culture

Enregistrer des progrès dans ses négociations avec la Corée du Nord est une question d’une grande importance pour le président américain Trump à l’approche des élections de mi-mandat de novembre. Trouver une solution à un problème international majeur est un défi sérieux qu’aucun pays ne peut relever seul. Bien que Washington présente la Russie comme un méchant que l’on peut blâmer pour tout ce qui ne va pas dans le monde, les États-Unis ne prennent plus au sérieux toute cette propagande et s’en tiennent à de véritables négociations quand ils ont besoin de résultats tangibles. Malgré toutes les différences et les tensions, Moscou et Washington se parlent franchement dans leurs efforts pour faire avancer le sujet sur la Corée du Nord.

Le représentant spécial des États-Unis pour la Corée du Nord, Stephen Biegun, s’est rendu à Moscou le 16 octobre pour tenir des réunions de travail avec les vice-ministres russes des Affaires étrangères, Igor Morgulov et Sergueï Ryabkov. M. Biegun a accompagné le secrétaire d’État Mike Pompeo lors de son voyage à Pyongyang ce mois-ci pour des pourparlers sur la préparation d’une deuxième réunion entre les États-Unis et la Corée du Nord.

Le 22 décembre, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 2397, sa sixième sur la Corée du Nord, imposant davantage de sanctions en réponse à un essai de missiles balistiques en novembre. Pyongyang a été privée de 2,3 milliards de dollars de recettes annuelles d’exportation, soit presque tout ce qu’elle recevait du commerce extérieur.  Depuis lors, le pays ne peut plus importer plus de 500 000 barils de pétrole par an. C’est vraiment dur. La Russie veut que le régime de sanctions soit assoupli à mesure que des progrès sont réalisés. L’objectif des sanctions est la dénucléarisation, et non des épreuves plus douloureuses pour les gens ordinaires.

Un moratoire sur les essais nucléaires et les essais de missiles a été décrété et certaines installations de missiles importantes, telles que le polygone de tir de Punggye-ri dans la région nord-est du pays et la station de lancement de satellites de Sohae, ont été démantelés. En août, le ministère russe des Affaires étrangères a déclaré qu’il avait bloqué une autre résolution parrainée par les États-Unis. Le fait qu’elle soit une puissance nucléaire, un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et un voisin de la Corée du Nord avec des lignes de communication établies avec Pyongyang, fait de la Russie un courtier efficace qui peut apporter une contribution importante. Elle a un réel intérêt à une détente dans la péninsule coréenne, car Vladivostok, la porte d’entrée de la Russie dans la région Asie-Pacifique, est située à quelques centaines de kilomètres de plusieurs sites nucléaires et balistiques nord-coréens. Après tout, le site d’essai nucléaire nord-coréen démoli n’était situé qu’à 200 km de la frontière russe. Moscou n’a aucun intérêt à donner aux États-Unis un prétexte pour déployer ses systèmes de défense antimissile en Corée du Sud et au Japon.

La Russie travaille sur ses propres plans pour accueillir le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un à Moscou ou à Vladivostok. Aucune date n’a été fixée et rien n’a encore été annoncé officiellement, si ce n’est qu’une invitation a été acceptée par le dirigeant de la Corée du Nord. Le quotidien russe Izvestia pense qu’un sommet Russie-Corée du Nord aura lieu avant que Donald Trump et Kim Jong-un ne se rencontrent pour la deuxième fois. L’événement devrait avoir lieu avant les élections de mi-mandat américaines du 6 novembre. Le dirigeant de la Corée du Nord estime qu’il est important de consulter Moscou avant de rencontrer Donald Trump.

S’exprimant le 12 octobre à Pyongyang à l’occasion du 70e anniversaire de l’établissement de relations diplomatiques entre la Corée du Nord et la Russie, le ministre nord-coréen des Affaires étrangères, Ri Yong Ho, a déclaré que Pyongyang cherchera, en 2019, à approfondir ses relations avec Moscou. Il a souligné que son gouvernement apprécie fortement les efforts déployés par la Russie pour promouvoir la stabilisation de la situation dans la péninsule coréenne.

Moscou peut offrir des projets économiques lucratifs qui rendront Pyongyang plus apte à démanteler ses programmes nucléaires et balistiques. Les parties négocient actuellement la construction d’un nouveau pont sur le fleuve Tumen qui permettrait au trafic de traverser directement, sans faire un long détour par la Chine. Des gazoducs pourraient être construits pour relier la Russie à la Corée du Sud par la Corée du Nord. Ils pourraient être étendus au Japon. Des réseaux électriques pourraient être construits le long du même tracé. Moscou et Séoul sont en pourparlers au sujet d’un accord visant à livrer 10 milliards de mètres cubes de gaz naturel à la Corée du Sud, pays pauvre en ressources et dépendant des importations. Un autre projet consiste à restaurer une ancienne liaison ferroviaire qui reliait autrefois la Corée du Sud au Transsibérien. « Une fois que la ligne principale trans-coréenne sera construite, elle pourra être reliée au Transsibérien. Dans ce cas, il sera possible de livrer des marchandises de la Corée du Sud à l’Europe, ce qui serait économiquement bénéfique non seulement pour la Corée du Sud et du Nord, mais aussi pour la Russie », a déclaré le président sud-coréen Moon Jae-in dans une interview aux médias russes en août.

L’économie nord-coréenne n’est pas en si mauvais état ; en tous cas pas aussi mauvais que certains le décrivent. Le taux de croissance a été de 3,7 % en 2017, portant son PIB à 29,6 milliards de dollars en 2018. Au fur et à mesure que les forces du marché émergent, la transformation de la Corée du Nord pourrait être accélérée, ce qui améliorerait les chances d’un assouplissement de la position internationale.

Comme indiqué dans un communiqué conjoint publié par les vice-ministres des Affaires étrangères de Russie, de Chine et de Corée du Nord à l’issue de leurs consultations à Moscou le 10 octobre, le Conseil de sécurité des Nations Unies devrait reconsidérer ses sanctions contre Pyongyang.  « Compte tenu des importantes mesures de dénucléarisation prises par la République populaire démocratique de Corée, les parties estiment que le Conseil de sécurité de l’ONU devrait commencer en temps voulu à réviser les sanctions contre la RPDC », annonce le communiqué.

Tout accord signé sur de nouveaux progrès devra être soutenu par des bailleurs de fonds. La Russie est parfaitement adaptée à ce rôle car elle est l’une des rares nations en lesquelles la Corée du Nord, la Chine, la Corée du Sud, le Japon et d’autres parties peuvent avoir confiance. C’est un acteur indispensable qui participe activement au processus. Washington est forcé d’admettre ce fait, comme le démontre la récente visite de M. Biegun.

Alex Gorka

Traduit par Wayan, relu par Cat, vérifié par Diane pour le Saker Francophone

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