L’offensive culturelle du soft power occidental


Par Wayne Madsen  le 17 mai 2016 Source Strategic Culture


Nombreux sont les pays qui se lassent de l’usage constant que fait l’Occident de sa culture poubelle comme outil de diplomatie d’influence (soft power), pour s’attirer la sympathie dans un monde de plus en plus interdépendant, où musique, cinéma et réseaux sociaux deviennent des outils de lutte politique.


Aucun exemple n’est plus parlant que la compétition de chanson populaire de l’Eurovision, pour illustrer l’utilisation de la musique comme arme de diplomatie d’influence. Cette année, le vainqueur de la compétition qui s’est tenue à Stockholm s’appelle Jamala, et nous vient d’Ukraine. Elle doit sa victoire à son interprétation de la chanson 1944, une attaque contre Joseph Staline sur le sujet de la déportation des Tatars de Crimée, au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Staline redoutait la collaboration des Tatars avec l’Allemagne nazie et avait de bonnes raisons de se méfier de cette alliance. Les preuves abondent au sujet de l’attraction réciproque entre Hitler et les communautés musulmanes d’Europe, depuis la Bosnie, Sanjak, jusqu’à l’Albanie, qui furent assimilées dans le Troisième Reich.

Comme dans les éditions précédentes de l’Eurovision, Jamala et sa chanson ont été choisies comme moyen de critiquer la Russie sur la question de la rétrocession de la Crimée à la Fédération de Russie en 2014. Et peu importe si le chanteur russe Sergey Lazarev était le favori et positionné en tête des votes du public pour remporter l’Eurovision cette année.

Pour la Russie, la victoire de Jamala n’a pas été sans rappeler les souvenirs du gagnant de l’édition 2014, le travesti barbu autrichien Thomas Neuwirth, aussi connu sous le sobriquet Conchita Wurst. Il est clair que le prix qui fut décerné à Copenhague cette année-là était un message de diplomatie d’influence américaine adressé à la Russie et aux pays d’Europe orientale, de tradition plutôt conservatrice, qui s’opposent au lobbying LGBT, cheval de bataille du ministère des Affaires étrangères américain et de toutes les ONG de la nébuleuse Soros.

La victoire politique cette année à l’Eurovision de la candidate ukrainienne, n’est pas un bon présage pour la compétition de l’an prochain, qui se tiendra à Kiev. Même si la politique n’est pas censée occuper le devant de la scène lors de l’Eurovision, il est indéniable que la compétition a pris un tournant politique en étant instrumentalisée pour attaquer la Russie et promouvoir des sujets sociétaux impopulaires dans les sociétés orthodoxes.

Le sénateur russe Frants Klintsevich, le premier vice-président du Comité consultatif pour la Défense et la Sécurité de la Fédération de Russie, est parfaitement conscient de l’usage qui est fait de l’Eurovision comme outil de diplomatie d’influence culturelle de l’Occident. Au sujet de la compétition qui se tiendra l’an prochain en Ukraine, Klintsevich a déclaré que la Russie pourrait la boycotter, étant donné que l’Ukraine l’instrumentalisera à coup sûr pour marquer quelques points faciles contre la Russie.

Comme la plupart des politiques étrangères farfelues qui émanent de l’Occident, le concept selon lequel on pourrait utiliser la diplomatie d’influence comme coefficient multiplicateur de la stratégie d’un État, a été conçue dans le cerveau d’un vétéran du mondialisme, élevé dans les think tanks sponsorisés par la communauté du renseignement et les centres de pouvoir cabalistiques des États-Unis. La paternité de la diplomatie d’influence est attribuée à Joseph Nye, un habitué du Centre pour les affaires internationales de l’Université Harvard qui, incidemment, partage le même acronyme en anglais avec la C.I.A. Il a aussi servi comme grand ponte au Conseil pour les relations étrangères, la Commission trilatérale, l’Institut Aspen et le Centre pour les études stratégiques internationales (CSIS). Nye a aussi servi sous l’administration Clinton, et continue de distiller ses conseils éclairés en politique étrangère à son vieux copain John Kerry.

Partisan de longue date de l’utilisation de la diplomatie d’influence pour altérer les événements d’envergure mondiale, Nye est devenu une sorte de gourou dans les coulisses de la politique étrangère de Barack Obama. Son ouvrage de 2004, Soft Power: Les moyens de la réussite d’une politique étrangère, est une lecture obligatoire pour tous les interventionnistes qui infestent l’administration Obama.

La projection de la puissance américaine par le biais de sa diplomatie d’influence a récemment été utilisée par Washington lors du soutien de l’administration Obama au coup d’État constitutionnel qui a été mené contre la présidente du Brésil Dilma Rousseff, à quelques mois des Jeux olympiques de Rio de Janeiro. Plutôt que de se focaliser sur Dilma Rousseff à la cérémonie d’ouverture, l’attention des médias se portera sur son successeur de droite désigné par Washington, le vice-président incroyablement corrompu, Michel Temer, qui, s’il n’est pas prestement démis de ses fonctions pour malversations économiques, sera bien à l’ouverture des Jeux olympiques de Rio, à la plus grande satisfaction des partisans de la diplomatie d’influence à Washington.

Ainsi, selon le plan établi par Washington, le proto-fasciste de droite Temer accueillera les dirigeants du monde entier aux premières olympiades jamais tenues en Amérique du sud. Plutôt que la présence de Dilma Rousseff, qui aurait réjoui les dirigeants progressistes comme ceux de Bolivie, du Venezuela, du Chili, d’Uruguay, d’Équateur et du Salvador, ce sera bien Temer qui officiera avec ses homologues proto-fascistes sud-américains tels Mauricio Macri d’Argentine, Horacio Cartes du Paraguay et Juan Orlando Hernandez du Honduras.

Les États-Unis n’ont pas hésité à faire entrer la politique politicienne dans les Jeux olympiques, de la même manière qu’ils l’ont fait avec l’Eurovision et la Coupe du Monde de Football. L’initiative américaine de boycott des Jeux olympiques de Moscou en 1980 est une étude de cas à ce sujet. Depuis cette décision américaine de boycott, les Jeux olympiques ont été boycotté à l’initiative de l’URSS en 1984, puis récemment une campagne vengeresse sur le thème LGBT a été menée par les États-Unis en guise de provocation aux Jeux d’hiver de Sotchi en 2014 en Russie.

La chaîne américaine NBC, qui détient le monopole des droits de retransmission des JO depuis 1988, facilite l’accès aux provocateurs du gouvernement américain pour inclure des commentaires politiques et sociaux pendant les retransmissions. Le fondateur de la NBC, David Sarnoff, était un acteur majeur de la propagande américaine pendant toute la période de la Guerre froide.

Les scandales qui ont secoué la FIFA ont été déclenchés, bizarrement, par des mises en examen orchestrées par le ministère de la Justice américain, le FBI et l’IRS, l’administration fiscale américaine. L’objectif était de ternir la réputation de la FIFA avant l’organisation de la Coupe du monde de football de 2018 en Russie. Cette action américaine de mise en examen de plusieurs dirigeants de la FIFA et de dirigeants d’États-membres, est un des premiers cas d’utilisation d’une arme anti-diplomatie d’influence. La Russie ayant réussi à développer sa propre diplomatie d’influence en hébergeant une célèbre compétition, la Coupe du monde de football, les États-Unis ont contré cette offensive de charme en utilisant leurs mécanismes juridiques pour attaquer la FIFA, et par association la Russie.

Le football ne fait même pas partie des sports populaires aux États-Unis, et se situe loin derrière le football américain, le basket, le baseball et le hockey sur glace. Cela rend d’autant plus suspecte la décision du ministère de la Justice américain et du FBI de jouer le rôle de policier mondial du football international.

La domination qu’exerce la diplomatie d’influence traditionnelle des États-Unis sur les médias de masse, est la raison pour laquelle ceux-ci, et en particulier l’ancienne ministre des Affaires étrangères Hillary Clinton, ont réagi aussi négativement à l’apparition sur les ondes de chaînes d’information internationales alternatives, comme RussiaToday (RT), CCTV de Chine, PressTV d’Iran et TeleSur du Venezuela. À cause de leur pénurie d’information d’intérêt journalistique réel, le ministère des Affaires étrangères américain et sa cour d’ONG aux ordres ont recours à la diffamation, qualifiant les autres chaînes d’information internationale de «chaînes de propagande véhiculant des théories conspirationnistes», la théorie du complot demeurant l’insulte favorite de la CIA réservée à tout analyste qui se risquerait à critiquer les États-Unis.

Hollywood, quant à elle, continue d’incarner le parangon de la corruption morale véhiculée par la diplomatie d’influence américaine. En règle générale, Russes, Chinois, Arabes et Iraniens continuent d’endosser l’habit parodique du méchant dans les grandes productions américaines. Le fait que le ministère de la Défense américain, mais aussi la CIA et le FBI maintiennent à Los Angeles un service spécialisé dans la gestion des relations avec l’industrie du divertissement, montre les liens incestueux qui ont toujours existé entre Hollywood, le complexe militaro-industriel et la communauté du renseignement.

On constate une tendance à la fatigue et au rejet par le monde entier de la culture populaire trash américaine, qui joue le rôle de diplomatie d’influence. De nombreux pays redécouvrent leurs héros nationaux, qui commencent à détourner l’attention de nombreux enfants du monde entier de la bouillie insipide américaine servie par Captain America, Superman, Batman et Spiderman. De toutes les manières, les héros tels que Gengis Khan de Mongolie, Shaka Zulu de la Nation Zulu, l’empereur Kangxi de Chine, le tsar Pierre le Grand de Russie, l’empereur Xerxès de Perse, et Alexandre le Grand de Macédoine sont des personnages plus intéressants, fascinants, et dont les peuples peuvent tirer une plus grande fierté que des héros d’aujourd’hui comme Jamala et Conchita Wurst.

Wayne Madsen

Traduit par Laurent Schiaparelli, édité par Wayan, relu par nadine pour Le Saker Francophone

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