L’Iran doit parler avec les Talibans, pourquoi ?

2015-05-21_11h17_05Par Moon of Alabama – 19 février 2019

L’administration Trump prépare un argument pour le public en faveur de la guerre contre l’Iran. Certains “hauts responsables de l’administration” ont affirmé dans le Washington Times que l’Iran était un allié d’Al-Qaïda et donc pourrait, et devrait être attaqué :

L’alliance Iran-Al-Qaïda pourrait fournir une justification légale aux frappes militaires américaines

L’Iran fournit aux membres de haut rang d’al-Qaïda un sanctuaire clandestin pour les combattants, l’argent et les armes dans tout le Moyen-Orient, selon des responsables de l’administration Trump qui ont averti que la relation complexe et de longue date entre deux ennemis déclarés de l’Amérique était devenue une menace de sécurité mondiale inacceptable. ...

L'autorisation d'utilisation de la force militaire (AUMF) adoptée par le Congrès quelques jours après les attentats du 11 septembre a fourni le cadre juridique permettant au président George W. Bush d'ordonner une action militaire américaine contre les Talibans pour avoir hébergé des combattants d'Oussama ben Laden et d'Al-Qaïda en Afghanistan. La loi a sous-tendu la campagne de lutte contre le terrorisme menée par les États-Unis et est restée pratiquement inchangée au cours des 17 dernières années, sous l’égide de trois administrations présidentielles.
 
Des sources légales et du Congrès indiquent que la loi pourrait désormais légalement justifier de frapper le territoire iranien ou ses mandataires si le président Trump décidait que Téhéran constitue une menace imminente pour les États-Unis ou Israël et que les sanctions économiques n'étaient pas suffisamment fortes pour neutraliser la menace.

Que l’Iran soit l’allié d’Al-Qaïda, qu’il combat activement en Syrie et en Irak, est évidemment un non-sens. Lorsque les États-Unis ont attaqué l’Afghanistan, des familles de combattants d’Al-Qaïda se sont réfugiées en Iran où elles ont été assignées à résidence. Ils étaient et sont toujours des otages que l’Iran utilise pour empêcher les attaques d’Al-Qaïda contre son pays.

Le Washington Times admet ceci :

Un document capturé en 2007, apparemment rédigé par un agent d’Al-Qaïda, concluait que, à la suite de l’invasion américaine de l’Irak voisin en 2003, «les autorités iraniennes ont décidé de garder nos frères comme monnaie de négociation».

Lors des récentes conférences à Varsovie et à Munich, le gouvernement Trump n’a réussi à obtenir aucun soutien européen en faveur de sa stratégie anti-iranienne. De même, l’Irak a rejeté toutes les tentatives faites par les États-Unis pour le tourner contre l’Iran. Si les États-Unis veulent attaquer l’Iran, ils devront y aller seuls. Ses alliés à l’ouest du golfe Persique apporteront un soutien financier mais ne constitueront pas une force militaire sérieuse. Ce qu’ils peuvent faire, c’est renforcer le terrorisme contre l’Iran.

L’ancien ambassadeur de l’Inde, M. K. Bhadrakumar, soupçonne les États-Unis d’essayer d’encercler l’Iran à partir de l’est pour établir des routes terrestres utilisables à de telles fins. Le plan inclut le Pakistan et même les Talibans afghans :

L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sont aujourd’hui des alliés secrets d’Israël en Asie occidentale. Ils sont unis par le projet de renversement du régime iranien. On peut s’attendre à ce que les Af-Pak [Afghanistan-Pakistan] deviennent un théâtre majeur où leurs opérations secrètes seraient lancées avec l’aide du Pakistan sous la surveillance et la protection des États-Unis afin de déstabiliser l’Iran. Téhéran a affirmé à plusieurs reprises que les deux États musulmans travaillaient de concert avec les États-Unis et Israël.

Après l’attaque de feddayin de mardi dernier dans la région du Sistan-Baloutchistan, au sud-est de l’Iran, à la frontière avec le Pakistan (où 27 soldats iraniens ont été tués dans des circonstances étrangement similaires à celles de Pulwama), de grands généraux iraniens ont ouvertement allégué le rôle du renseignement pakistanais. Sans surprise, les Saoudiens et les Émiratis, qui financent l’économie pakistanaise, en sont venus à prendre les devants à Islamabad et à Rawalpindi. Téhéran s'attend à une période turbulente. ...
Nous avons un mélange explosif aujourd’hui, comme nous n’en avons jamais vu auparavant dans notre région et que personne n’aurait pu prévoir - à part, en effet, l’esprit affûté de Hamid Karzaï - selon lequel la direction des Talibans est soumise à une immense pression pakistanaise, pression exercée pour qu'ils renoncent à leur «afghanisme» pour adhérer à la liste de souhaits des États-Unis concernant une présence militaire illimitée en Afghanistan (soutenue également par l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et Israël).

Bhadrakumar signale plusieurs incidents récents qui suggèrent qu’un tel plan est en cours d’élaboration. Il exhorte le gouvernement indien à renouveler son alliance avec l’Iran pour contrer de tels actes.

Les Talibans n’aimeront aucun plan laissant des forces étrangères dans leur pays. Éliminer toutes les forces étrangères de l’Afghanistan a toujours été leur principal objectif. Hier, les négociateurs talibans étaient censés rencontrer leurs homologues américains à Islamabad, où ils auraient également des entretiens avec le Premier ministre pakistanais, Imran Khan, et probablement avec l’invité actuel de Khan, le prince héritier d’Arabie saoudite, Muhammad bin Salman. Ils ont annulé les pourparlers avec un court préavis. Ils veulent probablement éviter de nouvelles pressions pour se soumettre aux plans américains de maintien de certaines troupes sur le sol afghan.

L’Iran est également en pourparlers avec les Talibans. Il pourra peut-être leur offrir une alternative au soutien qu’ils obtiennent du Pakistan. Les États-Unis ont laissé le gouvernement afghan de Kaboul en dehors de ces pourparlers avec les Talibans. Kaboul pourrait également préférer l’aide iranienne pour une médiation, afin d’en terminer avec ce long conflit.

La sécurisation de son flanc oriental sera une grande priorité pour l’Iran. Une tentative de changer l’allégeance des talibans du Pakistan à l’Iran pourrait être le meilleur moyen d’y parvenir.

Moon of Alabama

Traduit par jj, relu par wayan pour le Saker Francophone

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