L’histoire profonde de la guerre froide sans fin des États-Unis, de la Grande-Bretagne contre la Russie


Par Finian Cunningham − Le 4 mai 2017 − Source strategic-culture.org via TheDuran

Sommet de Yalta en 1945

Washington et Londres ont été réticents à rendre publics les dossiers des crimes de guerre de l’ONU. Alors que la Journée de la Victoire (9 mai) approche en Russie pour commémorer la défaite de l’armée nazie d’Hitler, de nouvelles archives de la Commission des Nations Unies sur les crimes de guerre durant la Seconde Guerre mondiale, enquêtant sur l’Holocauste nazi, ont finalement été rendues publiques, malgré les protestations américaines et britanniques. Pourquoi?

Les archives montrent une « accablante » collusion entre les États-Unis, le Royaume-Uni et le Troisième Reich. L’objectif final de leur collusion n’était pas de mettre fin à l’Holocauste nazi, mais de vaincre l’Union soviétique.

Selon un rapport publié par Deutsche Welle tiré des archives publiées : « Les dossiers indiquent clairement que les forces alliées [occidentales] connaissaient bien avant la fin de la guerre, contrairement à ce que l’on pense, le système de camp de concentration nazi. »

Cette révélation désigne plus que « la parfaite connaissance » parmi les alliés occidentaux des crimes de l’ère nazie; elle montre de façon accablante la collusion d’État. Cela expliquerait également pourquoi Washington et Londres ont été réticents à rendre publics les fichiers de l’ONU sur les crimes de guerre.

Il y a toujours eu une controverse entre les pays occidentaux sur la question de savoir pourquoi les États-Unis et particulièrement la Grande-Bretagne n’ont pas fait plus pour bombarder l’infrastructure nazie des camps de la mort et des chemins de fer. Washington et Londres ont souvent affirmé qu’ils n’ont connu l’ampleur de l’horreur perpétrée par les nazis qu’à la fin de la guerre lorsque des centres d’extermination tels qu’Auschwitz et Treblinka ont été libérés – par l’Armée rouge soviétique, soit dit en passant.

Cependant, ce que montre la récente publication des archives de l’ONU sur l’Holocauste, c’est que Washington et Londres étaient bien conscients de la solution finale nazie dans laquelle des millions de juifs et de Slaves européens ont été systématiquement menacés ou exterminés dans des chambres à gaz. La question est donc la suivante : pourquoi les États-Unis et la Grande-Bretagne n’ont-ils pas, dans leur campagne, davantage utilisé de bombardement aérien pour détruire l’infrastructure nazie?

Une réponse possible est que ces alliés occidentaux éprouvaient un mépris délibéré pour les victimes des nazis. Les establishments de Washington et de Londres ont eux-mêmes été accusés de manifester des préjugés antisémites, comme en témoignent les scandales lorsque ces deux gouvernements ont rejeté des milliers de réfugiés juifs européens pendant la Seconde Guerre mondiale, en envoyant beaucoup d’entre eux à la mort sous le régime nazi. [Il s’agissait aussi de les rediriger vers la Palestine, NdT]

Sans exclure le facteur d’insouciance raciste de l’Ouest, il y a un autre facteur plus inquiétant : que les gouvernements occidentaux, ou au moins certaines de leurs sections puissantes, aient répugné à entraver l’effort de guerre nazie contre l’Union soviétique. Nonobstant le fait que l’Union soviétique était un « allié » nominal de l’Occident pour la défaite de l’Allemagne nazie.

Cette perspective fait appel à une conception de la Seconde Guerre mondiale radicalement différente de celle racontée dans les versions occidentales officielles. Dans ce nouveau récit historique, la montée du Troisième Reich nazi a été délibérément fomentée par les dirigeants américains et britanniques comme un rempart contre la propagation du communisme en Europe. L’antisémitisme fanatique d’Adolf Hitler n’était égalé que par sa haine du marxisme et du peuple slave de l’Union soviétique. Dans l’idéologie nazie, ils étaient tous des « Untermenschen » (sous-hommes) à exterminer dans une « solution finale ».

Ainsi, lorsque l’Allemagne nazie a attaqué l’Union soviétique et a procédé à sa solution finale, de juin 1941 jusqu’à la fin de 1944, il n’est pas étonnant que les États-Unis et la Grande-Bretagne aient manifesté une réticence curieuse à engager pleinement leurs forces militaires pour ouvrir un front occidental. Les alliés occidentaux étaient évidemment contents de voir la machine de guerre nazie faire ce qu’elle était censée faire : détruire l’ennemi principal du capitalisme occidental représenté par l’Union soviétique. Cela ne veut pas dire que tous les dirigeants politiques américains et britanniques aient partagé ou même pris conscience de cette vision stratégique tacite. Les dirigeants comme le président Franklin Roosevelt et le Premier ministre Winston Churchill semblent s’être vraiment engagés à vaincre l’Allemagne nazie. Néanmoins, leurs points de vue individuels doivent être définis dans un contexte de collusion systématique entre les puissants intérêts des entreprises occidentales et de celles de l’Allemagne nazie.

Comme l’a écrit l’écrivain américain David Talbot dans son livre, The Devil’s Chessboard: Allen Dulles, the CIA and the Rise of America’s Secret Government (2015), il y avait des liens financiers massifs entre Wall Street et le Troisième Reich, remontant à plusieurs années avant l’éclosion de la Seconde Guerre mondiale.

Allen Dulles, qui a travaillé pour le cabinet d’avocats de Wall Street Sullivan et Cromwell, et qui a dirigé plus tard l’American Central Intelligence Agency, a joué un rôle clé dans la liaison entre le capital américain et l’industrie allemande. Les géants industriels américains, tels que Ford, GM, ITT et Du Pont, ont fortement investi dans leurs homologues industriels allemands comme IG Farben (fabricant de Zyklon B, gaz toxique utilisé dans l’Holocauste), Krupp Steel et Daimler. Le capital américain, ainsi que britannique, a été intégré à la machine de guerre nazie et à la dépendance de ce dernier au système de travail esclavagiste tel que fourni par la solution finale.

Cela expliquerait pourquoi les alliés occidentaux ont si peu fait pour perturber l’infrastructure nazie malgré leur indubitable grande capacité de bombardement aérien. Beaucoup plus accablant qu’une simple inertie ou indifférence due au préjugé raciste envers les victimes nazies, ce qui ressort, c’est que les Américains et les élites capitalistes britanniques ont investi dans le Troisième Reich. Surtout dans le but d’éliminer l’Union soviétique et tout mouvement véritablement socialiste à l’échelle mondiale. Le bombardement de l’infrastructure nazie aurait été équivalent à la suppression d’actifs occidentaux.

Finalement, alors que la guerre allait se terminer et que l’Union soviétique semblait disposée à en finir seule avec le Troisième Reich, les Américains et les Britanniques ont tardivement intensifié leur effort de guerre en Europe occidentale et méridionale. Le but était de récupérer les actifs occidentaux restant dans le régime nazi. Allen Dulles, le directeur de la future agence américaine de renseignement (CIA), a exfiltré des nazis importants et leur or, pillé en Europe, dans des accords de capitulation secrets connus sous le nom d’opération Sunrise. L’intelligence militaire britannique MI6 a également été impliquée dans l’effort clandestin américain pour sauver les biens nazis par des moyens de secours. La mauvaise foi exposée aux « alliés » soviétiques annonçait le coup de froid de la Guerre froide qui a immédiatement suivi la Seconde Guerre mondiale.

D’importants et audacieux témoignages sur ce qui s’est passé ont été récemment publiés dans un interview de la BBC par Ben Ferencz, le procureur américain le plus âgé des procès de Nuremberg. À l’âge de 98 ans, Ferencz était toujours en mesure de se rappeler de manière lucide combien de criminels de guerre nazis avaient pu s’en tirer grâce aux autorités américaines et britanniques. Ferencz a cité le général américain George Patton qui disait, juste avant la capitulation finale du Troisième Reich au début de mai 1945 : « Nous nous battons contre le mauvais ennemi. » L’expression franche de Patton, d’une animosité plus profonde vis-à-vis de l’Union soviétique qu’envers l’Allemagne nazie, était cohérente avec la manière dont la classe dirigeante américaine et britannique avait fait collusion avec le Troisième Reich d’Hitler dans une guerre géo-stratégique contre l’Union soviétique et les mouvements socialistes dirigés par des travailleurs surgissant en Europe et en Amérique.

En d’autres termes, la Guerre froide que les États-Unis et la Grande-Bretagne ont entamée après 1945 ne fut que la continuation d’une politique hostile à l’égard de Moscou, déjà en vigueur bien avant la Seconde Guerre mondiale, et qui a pris la forme, en 1939, de la construction de l’Allemagne nazie. Pour diverses raisons, il est devenu opportun pour les puissances occidentales de liquider la machine de guerre nazie, avec l’Union soviétique. Mais, comme on peut le voir, les atouts occidentaux résidant dans la machine nazie ont été recyclés dans la Guerre froide américaine et britannique contre l’Union soviétique. C’est un héritage vraiment diabolique que les agences américaines et britanniques de renseignement militaire aient été consolidées et financées par des crimes nazis.

La récente publication des archives de l’Holocauste des Nations Unies – malgré la prévarication américaine et britannique depuis de nombreuses années – apporte encore des preuves à l’analyse historique indiquant que ces puissances occidentales étaient profondément complices des crimes monumentaux du Troisième Reich nazi. Elles connaissaient ces crimes parce qu’elles avaient aidé à les faciliter. Et cette complicité découle de l’hostilité occidentale envers la Russie en tant que rival géopolitique.

Ce n’est pas un simple exercice historique académique. La complicité occidentale avec l’Allemagne nazie a également pour corollaire l’hostilité actuelle de Washington, de la Grande-Bretagne et de leurs alliés de l’OTAN envers Moscou. La construction implacable des forces offensives de l’OTAN autour des frontières de la Russie, l’incessante russophobie dans les médias d’information propagandistes de l’Ouest, le blocus économique sous la forme de sanctions fondées sur des revendications ténues, sont profondément enracinés dans l’histoire.

La Guerre froide de l’Ouest envers Moscou a précédé la Seconde Guerre mondiale, a continué après la défaite de l’Allemagne nazie et persiste encore aujourd’hui, indépendamment du fait que l’Union soviétique n’existe plus. Pourquoi? Parce que la Russie est perçue comme un rival pour l’hégémonie capitaliste anglo-américaine, tout comme l’est la Chine ou toute autre puissance émergente, rival qui mine l’hégémonie unipolaire souhaitée.

La collusion américano-britannique avec l’Allemagne nazie trouve son expression moderne dans la collusion de l’OTAN avec le régime néonazi en Ukraine et les groupes terroristes djihadistes envoyés dans des guerres par procuration contre les intérêts russes en Syrie et ailleurs. Les joueurs peuvent changer avec le temps, mais la racine pathologique est le capitalisme américain-britannique et son addiction a l’hégémonie.

La guerre froide sans fin ne finira que lorsque le capitalisme anglo-américain sera finalement vaincu et remplacé par un système véritablement plus démocratique.

Finian Cunningham

Traduit par Claude, vérifié par Wayan, relu par xxx pour le Saker Francophone

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