L’été de tous les malaises


Par James Howard Kunstler – Le 8 juin 2018 – Source kunstler.com

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La mauvaise humeur des dirigeants des pays du G7 – essentiellement l’Occident et le Japon – s’est reflétée tôt ce matin dans les marchés à terme des marchés financiers. Le cause est semble-t-il l’odieuse présence du golem d’or américain de la grandeur lors de cette rencontre au Québec des pachas du Premier Monde. C’est difficile de les blâmer. Le GOG refuse de jouer gentiment dans le bac à sable de l’ordre ancien.

Comme beaucoup d’observateurs ici aux États-Unis, je ne peux pas dire exactement si Donald Trump a perdu l’ esprit ou si, à juste titre, il fait exploser des relations et des conventions périmées dans un monde qui cherche désespérément une nouvelle disposition des choses. L’Occident a bien tiré son épingle du jeu dans les décennies qui ont suivi les fiascos du milieu du XXe siècle. Je suppose que nous assistons à une panique lente et brûlante face à l’impossibilité de maintenir le niveau de vie enviable que nous avons tous apprécié.

Tout ce caquetage se passe autour du commerce et des obstacles au commerce, mais l’action réelle émane probablement du secteur de l’énergie, en particulier le pétrole. Les pays du G7 ne sont rien sans lui, et l’offre se raréfie à la marge d’une manière qui les effraie probablement, et à juste titre. Je suppose, par exemple, que la récente hausse des prix du pétrole, qui est passée de 40 à 80 dollars le baril, a eu pour effet de ralentir l’activité économique dans le monde entier. Pour une raison étrange, les médias ne font pas attention à tout cela. Mais il est pratiquement devenu un axiome que le pétrole à plus de 75 dollars le baril écrase les économies alors que le pétrole à moins de 75 dollars le baril écrase les compagnies pétrolières.

M. Trump croit probablement que les États-Unis sont en position de force à cause du soi-disant « miracle du pétrole de schiste ». Si c’est vrai, il n’est pas plus trompé que le reste de ses concitoyens, y compris les fonctionnaires et les journalistes qui n’ont pas remarqué que l’économie du pétrole de schiste ne s’améliore pas – ou ont peur de le dire. Les compagnies pétrolières ne se font pas d’argent, malgré les chiffres de production qui ont récemment dépassé le précédent record établi en 1970. Le public croit que nous sommes maintenant « indépendants au niveau énergétique », ce qui n’est tout simplement pas vrai parce que nous importons toujours beaucoup plus de pétrole que nous n’en exportons : 10,7 millions de barils entrants contre 7,1 millions de barils par jour sortants (US EIA).

Le pétrole de schiste n’est pas un miracle, mais plutôt une manœuvre spectaculaire : comment tirer parti d’une dette bon marché pour une hausse à court terme de l’extraction des ressources au détriment d’un avenir qui sera sûrement celui d’une pénurie pour le pétrole. Maintenant que le monde a des problèmes majeurs avec un endettement excessif, il va également y avoir des problèmes majeurs avec le pétrole. Les querelles sur le commerce découlent de cette situation difficile non reconnue : il y aura moins de tout ce dont les nations économiquement hyper-développées veulent et ont besoin, y compris de capital. Donc, ce qui s’annonce, c’est une bagarre au sujet des restes de table d’un banquet qui se termine.

Ce dilemme est certainement suffisant pour rendre les nations puissantes très nerveuses. Cela peut également les inciter à prendre des mesures et à atteindre des résultats jusqu’alors impensables. À l’heure actuelle, la dette excessive menace de faire exploser l’Union européenne, ce qui risque d’être un problème beaucoup plus important pour l’UE que tout ce que fait Trump. Ce fut une ère admirablement stable pour l’Europe et le Japon, et je suppose que les baby-boomers et les milleniums ne se souviennent pas de l’époque où l’Europe était un chaudron de haines tribales et de violence stupéfiante, avec le Japon balayant l’Asie de l’Est, démolissant tout sur son passage.

Il y a aussi étonnamment peu de commentaires critiques sur l’idée que M. Trump cherche à « réindustrialiser » l’Amérique. C’est peut-être un souhait compréhensible de retourner à la prospérité magique d’antan. Mais les choses ont changé. Et si les désirs étaient des poissons, l’état des océans sur la Terre est assez préoccupant pour vous donner des sueurs froides. Quoi qu’il en soit, nous ne retournerons pas à la situation de Détroit en 1957. Nous aurons de la chance si nous pouvons fabriquer des balais et des faux dans vingt ans, et encore moins rouler en Teslas autonomes.

Ce sera l’été du mécontentement, pour l’Occident en particulier. Le fait que le populisme soit toujours une force montante parmi ces nations est un indice d’un large scepticisme du public quant au maintien de l’ordre actuel. Pas étonnant que les bureaucraties massivement investies dans cet ordre flippent. Je ne suis pas sûr que M. Trump sache ou apprécie à quel point il représente ces dynamiques dangereuses.

James Howard Kunstler

Too much magic : L'Amérique désenchantéePour lui, les choses sont claires, le monde actuel se termine et un nouveau arrive. Il ne dépend que de nous de le construire ou de le subir mais il faut d’abord faire notre deuil de ces pensées magiques qui font monter les statistiques jusqu’au ciel.

Traduit par Hervé, relu par Cat pour le Saker Francophone

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