Les US et l’énergie : menaces et accusations en guise de politique étrangère


La réunion à Moscou des ministres de l’Énergie des États-Unis et de la Russie, fait ressortir les contradictions


Par Arkady Savitsky – Le 18 septembre 2018 – Source South Front

US Energy Secretary Visits Moscow: Threats and Accusations Used as Foreign-Policy Tools

Le 13 septembre, à Moscou le secrétaire d’État étasunien à l’Énergie, Rick Perry, a rencontré le ministre russe de l’Énergie, Alexandre Novak, ainsi que le vice-Premier ministre et le ministre russe des Finances, Anton Silouanov.

« Je viens de conclure une réunion productive avec le ministre russe de l’Énergie, Alexandre Novak. Je suis impatient de poursuivre notre dialogue, dans le cadre des contraintes courantes de nos relations bilatérales », a déclaré Perry sur sa page Twitter.

« J’ai également informé le collègue russe des négociations en cours avec l’Union européenne et l’Ukraine concernant la possibilité de continuer à acheminer du gaz par ce pays, tout en tenant compte de la nécessité de résoudre tous les litiges, en vue de prolonger ces contrats », a déclaré Novak. Après ces rencontres, TASS a cité Novak qui avait déclaré que la Russie et les États-Unis pourraient créer un fonds d’investissement commun dans le domaine de l’efficacité énergétique et de nouvelles technologies, avec la participation éventuelle du Fonds d’investissement direct russe.

Le secrétariat d’État étasunien à l’Énergie a publié des communiqués sur les deux visites, contenant un court résumé de ce qui avait été discuté par les deux ministres.

Lors de leur rencontre, les deux ministres de l’Énergie ont discuté de la manière dont les États-Unis et la Russie, les deux plus gros producteurs de gaz naturel ainsi que parmi les principaux producteurs de pétrole dans le monde pouvaient coopérer pour assurer la stabilité, la transparence et la durabilité du marché mondial de l’énergie.

Rick Perry a également exprimé sa déception et sa préoccupation concernant « l’insistance des tentatives de la Russie pour infiltrer le réseau électrique étasunien ».

Finalement il a discuté des responsabilités mutuelles qu’ont les deux pays pour assurer la gestion de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques.

Perry a ajouté que bien que la concurrence russe sur les marchés de l’énergie à travers l’Europe, en Asie et ailleurs, est la bienvenue, Moscou ne peut pas continuer à utiliser l’énergie comme une « arme économique ». Les États-Unis, selon Perry, sont maintenant en mesure d’offrir une source d’approvisionnement alternative. « Juste cette semaine, l’Agence d’information sur l’énergie (EIA) annonçait que les États-Unis étaient désormais le plus grand producteur de pétrole brut dans le monde. Cet été, la production étasunienne a, pour la première fois depuis 1999, dépassé la production russe », pouvait-on lire dans le communiqué.

Le communiqué a également réitéré l’opposition du président Trump au gazoduc Nord Stream 2, qui « accroit une artère gazière à source unique profondément en Europe ».

« Les États-Unis soutiennent le désir des pays européens de minimiser leur dépendance vis-à-vis de la Russie en tant qu’unique fournisseur d’énergie. Les États-Unis ont hâte d’augmenter les exportations de gaz naturel liquéfié (GNL) vers cette région, comme cela avait été annoncé par le président Trump et le président de l’UE Juncker en juin » affirmait la déclaration.

Perry a également souligné qu’étant les deux des principaux producteurs mondiaux de gaz naturel et de pétrole, les États-Unis et la Russie, ont la responsabilité conjointe d’améliorer la sécurité énergétique internationale ainsi que la stabilité globale. Aussi bien le secrétaire d’État à l’énergie, Perry que le ministre de l’Énergie, Novak, sont convenus de poursuivre « ce dialogue énergétique, inactif auparavant » et de chercher des moyens de coopération, dans le respect des directives et des limites des relations entre les deux États. Selon le communiqué, l’avenir des relations énergétiques entre les deux pays dépend de la réussite dans la gestion de leurs plus larges désaccords.

Lors de la réunion, Perry a déclaré que les États-Unis pourraient imposer des sanctions sur un nouveau gazoduc Russie-Allemagne. Le journal News Observer a cité Perry, à qui il avait été demandé si des sanctions sur le gazoduc sous-marin Nord Stream 2 étaient possibles et si d’autres sanctions liées à l’énergie seraient prévues, Perry a répondu : « Oui à votre première question et oui à votre seconde. »

Il a toutefois réitéré que les États-Unis ne souhaitent pas imposer ces sanctions et qu’elles n’étaient pas imminentes. « Le ministre Novak et moi-même sommes d’accord pour dire que nous ne voulons pas aller jusqu’au point où des sanctions seraient utilisées », a déclaré Perry. Il n’a pas précisé quel niveau de progrès de Nord Stream 2 pouvait déclencher des sanctions ou ce qu’elles pourraient être.

Novak a déclaré que la mise en œuvre du projet se poursuivrait et que les paroles de Perry concernant les sanctions sont une source de préoccupation.

News Observer a cité l’analyste Chris Weafer de Macro-Advisory, un cabinet de conseils, qui avait déclaré que le fait de sanctionner le secteur énergétique russe à propos du Nord Stream 2 pourrait être difficile en raison de sa taille et sa position dominante en Europe. Au lieu de cela, Weafer argumente que les États-Unis pourraient essayer de conclure un accord.

L’agence Russia Today (RT) a également rapporté que lors de la rencontre entre les deux ministres de l’Énergie, Maria Finochina de RT a posé une question sur « l’apparente contradiction entre les accusations étasuniennes contre la Russie concernant son utilisation de sa politique énergétique comme arme, et les menaces de Washington de ramener les revenus pétroliers iraniens à ‘zéro’ ».

Selon cette source, Perry a éludé la question « Il a plutôt préféré expliquer que les États-Unis sont simplement dans une position unique qui leur permettait au fond d’imposer leur volonté à d’autres pays, ceux semblables à l’Iran, qui sont naturellement, tenus d’obtempérer. »

« Le message à l’Iran est que nous attendons à ce qu’ils deviennent des voisins acceptables, des membres convenables de la société », a déclaré Perry, ajoutant que cela n’exprime pas seulement la volonté de Washington mais aussi celle de « certains voisins de l’Iran ».

Selon RT, le secrétaire d’État étasunien à l’Énergie a déclaré que l’Arabie saoudite, qui est le plus proche allié des États-Unis au Moyen-Orient et rival de l’Iran dans la région, « soutenait les activités que nous avons engagées » considérant le comportement de Téhéran comme « inacceptable ».

D’après la citation de RT, Perry a ensuite commenté qu’en vertu de la « citoyenneté globale » chaque pays « porte la responsabilité de ses actions dans le monde ». Il a ajouté que « nous attendons du gouvernement iranien qu’il se conforme à ce que nous considérons comme une activité civilisée. »

« Le message adressé au gouvernement iranien est clair : si vous ne pouvez pas participer en tant que citoyen mondial raisonnable, il y aura des sanctions qui vous coûteront cher », a déclaré Perry selon RT, ajoutant que « les États-Unis sont aujourd’hui en mesure d’envoyer un message aux pays qui ne se comportent pas de manière civilisée qu’ils seront punis .»

Le rapport de RT n’a été confirmé ni par une déclaration du secrétariat d’État à l’énergie des États-Unis, ni par tout autre canal officiel.

Lors de l’autre réunion, le premier vice-Premier ministre et ministre russe des Finances, Anton Silouanov, et le secrétaire d’État à l’énergie, Rick Perry, sont convenus jeudi que le dialogue russo-étasunien se poursuivrait tant au niveau politique qu’au niveau économique.

« Anton Silouanov et Rick Perry ont souligné la nécessité de poursuivre le dialogue entre la Russie et les États-Unis au niveau de l’État et des hommes d’affaires, malgré la période difficile pour les relations entre les deux États », a déclaré le porte-parole de Silouanov.

La déclaration du secrétaire d’État étasunien à l’énergie a qualifié la rencontre entre Silouanov et Rick Perry de « franche » et a mis l’accent sur les défis de la relation bilatérale tout en reconnaissant l’importance de communiquer sur les questions énergétiques d’importance mutuelle.

Perry a une fois de plus réitéré la ferme opposition de l’administration Trump à l’oléoduc Nord Stream 2, car « le projet concentrerait sur une seule route le gaz russe vers l’Europe, qui serait vulnérable aux perturbations et aux risques de dépendance excessive des consommateurs européens ». Il a ajouté que les États-Unis soutenaient fermement l’accord de Minsk et « soutiendront les alliés et les amis contre tout acte russe de subversion et de déstabilisation ».

Il a de nouveau souligné que les deux pays avaient intérêt à promouvoir la sécurité énergétique internationale ainsi que la stabilité mondiale.

Arkady Savitsky

Traduit par Alexandre Moumbaris  relu Marie-José Moumbaris

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