Les États-Unis lancent une campagne pour éroder le soutien dont bénéficient les dirigeants iraniens


Le 22 juillet 2018 – Source Reuters

WASHINGTON (Reuters) – L’administration Trump a lancé une offensive sous forme de discours et de communications sur internet visant à fomenter une agitation publique pour forcer l’Iran à mettre fin à son programme nucléaire et à son soutien à certains groupes militants, ont déclaré des responsables américains familiers du sujet.

Plus d’une demi-douzaine d’anciens et actuels responsables de l’administration ont déclaré que la campagne, soutenue par le secrétaire d’État Mike Pompeo et le conseiller à la sécurité nationale John Bolton, est destinée à travailler de concert avec le président américain Donald Trump pour étrangler économiquement l’Iran en réimposant des sanctions sévères. La campagne s’est intensifiée depuis que Trump s’est retiré, le 8 mai dernier, d’un accord conclu avec sept pays, en 2015, pour empêcher l’Iran de mettre au point des armes nucléaires.

Ces anciens et actuels responsables ont déclaré que cette campagne cherchait à montrer les dirigeants iraniens sous un jour sévère, utilisant parfois des informations qui sont exagérées ou qui contredisent d’autres déclarations officielles, dont certains commentaires des administrations précédentes.

La Maison Blanche a refusé de faire des commentaires sur cette campagne. Le département d’État a même également refusé de parler du rôle de Pompeo.

Un haut responsable iranien a dénigré cette campagne, affirmant que les États-Unis avaient cherché en vain à saper le gouvernement depuis la Révolution islamique de 1979. Il parlait sous couvert de l’anonymat. « Leurs efforts échoueront à nouveau » a-t-il ajouté.

Un examen du compte Twitter en farsi géré par le département d’État et de son site web ShareAmerica – qui se présente lui même comme une plate-forme pour susciter le débat sur la démocratie et d’autres questions – montre un certain nombre de messages critiques à l’égard de Téhéran, postés au cours du dernier mois.

L’Iran est le sujet de quatre des cinq premiers articles de la section « contrer l’extrémisme violent » du site Web. On y trouve des titres tels que « Cette compagnie aérienne iranienne aide à répandre la violence et la terreur ».

Sur les médias sociaux et dans ses discours, Pompeo lui-même s’adresse directement aux Iraniens, à la diaspora iranienne et à un public mondial.

Le 21 juin, Pompeo postait des messages significatifs sur Tweeter : « Les manifestations en Iran se multiplient », « le peuple iranien mérite que l’on respecte ses droits de l’homme » et « la garde révolutionnaire iranienne s’enrichit pendant que les familles iraniennes luttent contre la misère ». Les tweets ont été traduits en farsi et affichés sur le site Web de ShareAmerica.

Dimanche, Pompeo prononcera un discours intitulé « Soutenir les voix iraniennes » en Californie et rencontrera des iraniens américains, dont beaucoup ont fui la révolution islamique qui a renversé le Shah, Mohammad Reza Pahlavi.

« Soyons clairs, nous ne cherchons pas à changer de régime. Nous cherchons à modifier le comportement du gouvernement iranien », a déclaré un fonctionnaire du département d’État en réponse aux questions de Reuters.

« Nous savons que nous poussons l’Iran à faire des choix difficiles. Soit ils arrivent à changer leurs habitudes, soit il leur sera de plus en plus difficile de s’engager dans leurs activités malveillantes », a déclaré le fonctionnaire, parlant sous couvert de l’anonymat. « Et je pense que nous offrons une vision très positive de ce que nous pourrions accomplir et de ce que le peuple iranien pourrait en retirer. »

Une campagne agressive

Selon les anciens et actuels fonctionnaires, certaines des informations diffusées par l’administration sont incomplètes ou déformées.

Dans un discours prononcé le 21 mai à Washington, M. Pompeo a déclaré que les dirigeants iraniens refusaient de dépenser pour la population les fonds libérés par l’accord sur les armes nucléaires et s’en servaient pour financer les guerres par procuration et la corruption.

Par contre, lors d’un témoignage devant un comité sénatorial américain, le directeur de la Defense Intelligence Agency, Robert Ashley, a déclaré que les dépenses sociales et économiques demeuraient la priorité à court terme de Téhéran malgré certaines dépenses pour les forces de sécurité.

Pompeo a également accusé les « milices chiites et les terroristes parrainés par l’Iran » d’infiltrer les forces de sécurité irakiennes et de mettre en péril la souveraineté de l’Irak pendant toute la durée de l’accord nucléaire.

Alors que les opposants accusent les milices irakiennes soutenues par l’Iran de violations des droits de l’homme contre les civils, ce que les groupes nient. Les milices ont combattu les extrémistes d’État islamique et ont aidé à ce qu’ils n’envahissent pas l’Irak, en 2014 après l’effondrement de l’armée irakienne. Elles ont ensuite participé aux offensives soutenues par les États-Unis pour libérer le territoire détenu par EI et certaines unités ont été incorporées dans les forces de sécurité irakiennes.

Le représentant du département d’État a reconnu que les milices, connues sous le nom de Forces de mobilisation populaire (FMP), font légalement partie des forces de sécurité irakiennes et ont joué un rôle dans la lutte contre l’État islamique en 2014.

« Nous comprenons, cependant, que certains des FMP indisciplinés sont particulièrement proches de l’Iran, sensibles aux directives de l’Iran, et ont des antécédents d’activités criminelles et de terrorisme », a déclaré le responsable. « Ces groupes sont aussi problématiques pour l’État irakien que pour nous. »

Les experts ont déclaré que l’administration exagère également la proximité des relations entre l’Iran et les militants talibans afghans et al-Qaïda en les qualifiant de co-conspirateurs.

Le département d’État n’a pas répondu aux demandes de commentaires sur l’exactitude de l’information qu’il diffuse.

Il est trop tôt pour déterminer l’impact de la campagne de communication de l’administration, ont déclaré des responsables américains.

Deux résultats possibles

Karim Sadjadpour, un expert iranien du groupe de réflexion Carnegie Endowment for International Peace, a déclaré que la stratégie visant à étrangler économiquement l’Iran et à alimenter le mécontentement du public envers ses dirigeants vise à produire l’un de ces deux résultats.

« Le premier résultat est la capitulation, forçant l’Iran à réduire davantage non seulement son programme nucléaire, mais aussi ses ambitions régionales », explique M. Sadjadpour. « Le deuxième résultat est l’implosion de la République islamique. »

Mais certains responsables américains et d’autres experts ont averti qu’en alimentant la tourmente en Iran, l’administration américaine pourrait favoriser un régime plus autoritaire et une politique étrangère plus agressive, ce qui soulèverait la menace d’une confrontation entre les États-Unis et l’Iran.

Washington a longtemps qualifié l’Iran de principal « État sponsor du terrorisme » parce que Téhéran arme et finance des groupes militants comme le Hezbollah libanais. Les dirigeants iraniens appellent à la destruction des États-Unis et d’Israël, et des mandataires iraniens ont tué des centaines de soldats et de diplomates américains depuis la Révolution islamique.

Ce bilan a fourni aux administrations précédentes suffisamment de matériel pour mener leurs propres campagnes de relations publiques contre Téhéran, y compris en essayant de communiquer directement en direction du peuple iranien.

L’administration du président George W. Bush avait créé Radio Farda, une radio financée par les États-Unis qui diffuse en Iran ce qu’elle dit être « des nouvelles et des informations objectives et précises pour contrer la censure de l’État et une couverture médiatique fondée sur l’idéologie ». En 2011, l’administration Obama ouvrait un compte Twitter en farsi – @USAdarFarsi -.

Reuters

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.

Notes du Saker Francophone

Ce texte a été sélectionné moins pour l’information visible qu’il contient que pour celle, moins visible, qui montre les dissensions internes au sein de l’administration. C’est la première fois qu’une dépêche de Reuters dévoile les intentions sous-jacentes d’une campagne de déstabilisation étasunienne, affaiblissant d’autant plus son impact. Et cela à la demande « d’anciens et actuels responsables de l’administration » qui déclarent que « certaines des informations diffusées par l'administration sont incomplètes ou déformées. » Cela sent fort la mutinerie.
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