Le vrai coût des aides alimentaires et pharmaceutiques à l’Afrique


Et tout ce qui appartient aux Africains


Par Phil Butler – Le 9 octobre 2018 – Source journal-neo.org

Quelles sont les vraies activités de la fondation Bill & Melinda Gates en Afrique ? Leur récent rapport d’objectifs, titré « La pauvreté est-elle inéluctable ? » a attiré mon attention cette semaine. De mèche avec d’autres milliardaires, le couple philanthrope le plus célèbre du monde sonnait l’alerte sur les niveaux de natalité, de pauvreté et de maladie en Afrique. Mais le vrai agenda de leur fondation est aux antipodes de servir de quelconques desseins altruistes.

Bill Gates et sa fondation ont un sérieux problème : aucun gourou en relation publique au monde ne suffirait à dissimuler ce qui saute aux yeux à la lecture de leurs écrits. Les préceptes bateau clamés par cette fondation relèvent du pur baratin. « On compte trop de bébés en Afrique ; ils vont mourir. » Déclaration contrebalancée par « Il faut leur donner plus de médicaments pour leur sauver la vie, puis éduquer ces foules pour qu’elles deviennent plus productives, afin que l’économie de l’Afrique croisse ». Et croisse, et croisse, et croisse encore jusqu’à se transformer en nouvelle Singapour, ou nouvelle Chine, ou nouveau nœud de production industrielle à l’égal de l’Asie du sud est ? C’est du double langage. À moins que l’Afrique ne soit vouée à devenir un simple marché de consommation, propulsé par des métiers dans le vent et des services ? J’espère que vous me suivez. Le rapport de Bill & Melinda poursuit en gras :

Le fondement de notre optimisme quant à la marche du monde a toujours été notre foi dans les capacités de l’innovation à redéfinir le champ des possibles.

Le riche couple, ou leur équipe de marketing/relations publiques, continue en citant les propos de leur ami décédé, Hans Rosling, un universitaire et statisticien suédois, dont ils reprennent les mots comme s’il était le Messie en personne, dans une description qu’il fit des différents niveaux de vie des gens. Rosling s’appuyait sur la métaphore des moyens de transport : des sandales aux vélos, puis les voitures, et enfin les avions. La manière dont le paragraphe est rédigé m’amène à comprendre que c’est sans doute quelqu’un avec des compétences en marketing qui l’a écrit. Mais bref, tous ces Africains sauvés par les vaccins que Bill & Melinda leur envoient, ils vont tous bientôt voyager en avion. Ou pas.

Nul ne peut étudier le gouvernement américain, les grandes sociétés ou ONG, ni surtout les philanthropes milliardaires offrant des subsides aux pays du tiers monde, sans avoir à l’esprit la notion de « retour sur investissement ». Je n’irai pas sur le terrain de détailler les philosophies de Bill Gates, ni de ses liens avec l’eugénisme, mais ses connections avec ce qu’on appelle l’« État profond » et la CIA aux USA méritent d’être mentionnées ici. Si vous le permettez, ouvrons quelques instants une fenêtre sur ce que préparent ces voyous.

Vous n’avez pas oublié la notion de « retour sur investissement » ? Bien, alors le rapport d’objectifs de Bill & Melinda Gates nous livre sur un plateau les vraies intentions de l’Occident en Afrique. Sur certaines pages, il n’est même pas nécessaire de lire entre les lignes pour découvrir les événements à venir dans la nouvelle Afrique colonisée. Pour commencer, l’Éthiopie, enfant à problème des relations américaines dans la région, est flattée et cajolée par les Gates comme un modèle d’espérance, et on peut parier que des problèmes ne vont pas tarder à éclater là-bas, si je ne me trompe pas. La première dame Melania Trump était juste à côté, au Kenya, cette semaine, et les pays du Golfe sont en rivalité avec l’Amérique pour influencer la région, si bien que l’Éthiopie est promise à un changement de régime. Mais le rapport d’objectifs nous apporte des preuves tangibles, quand il décrit le Nigeria et la république démocratique du Congo comme pays les plus « problématiques » d’Afrique. Voyez ce qui suit.

Il se trouve justement que le Nigeria est en soi un trésor en ressources naturelles, un pays qui produit 2,5 millions de barils de pétrole brut par jour, et dont les réserves prouvées de gaz naturel s’établissent à 160 000 milliards de mètres cubes. Il y en a tellement que d’autres importantes ressources naturelles du pays n’ont même pas été entamées à ce jour. Le charbon nigérian, par exemple, est reconnu comme de la meilleure qualité au monde. Il y en a 3 milliards de tonnes dans le sous-sol du pays. D’autres ressources sont répandues, et sont valorisées à long terme à des milliers de milliards de dollars.

Quant à la République démocratique du Congo, c’est un pays qui dispose actuellement de 24 000 milliards de dollars de ressources non prospectées, où figurent la plus grande partie des réserves mondiales de coltan, et une portion significative du cobalt mondial, ainsi qu’un million de tonnes de lithium. Le pays est également posé sur des réserves estimées en milliards de diamants, d’or, et d’autres ressources naturelles. Je suis certain que le lecteur sera heureux d’apprendre que Bill & Melinda Gates créent des rapports détaillés des bienfaits et des potentiels ouverts par leurs activités de bienfaisance, mais je n’ai trouvé nulle part dans leur littérature le fait que de tout temps pas moins de vingt cinq sociétés minières internationales ont été en activité en République démocratique du Congo. Ce ne devrait pas non plus être une grande surprise pour vous de savoir que Gates et ses amis soutiennent le retour du nucléaire, ce qui veut dire concrètement que les prix de l’uranium ne vont pas tarder à flamber. Et oui, ces deux pays ont des réserves significatives en uranium.

Bien peu de lecteurs de ce rapport auront appris par ailleurs que Caterpillar figure au portfolio d’investissement de confiance de la fondation Bill & Melinda Gates. Le fait est que Caterpillar est l’un des premiers producteurs mondiaux de machines à miner dans les industries du pétrole et du gaz. Mais ce n’est pas de cette façon que je pourrais vous faire appréhender la profondeur et l’étendue des activités des Gates et autres milliardaires du même genre. J’ai fini par comprendre en quoi cela ne constitue que l’écume du problème, quand j’ai pris connaissance de sa participation à hauteur de presque 60% dans Berkshire Hathaway, le conglomérat rendu célèbre par Warren Buffett en personne.

Berkshire Hathaway est l’une des sociétés les plus actives en gestion de ressources naturelles sur la planète. Si l’on survole la liste des filiales détenues à 100% par cette société, on y trouve des sociétés de construction, de matériaux, de logistique, et d’autres activités particulièrement consommatrices de ressources naturelles dans les premiers investissements. En bref, Gates et Buffet génèrent de la valeur ajoutée sur tout ce que détient l’Afrique. Ils détiennent également des positions minoritaires mais significatives dans des domaines comme l’alimentation, le pétrole, et le gaz (Phillips 66 14.53%), et des sociétés pharmaceutiques promues par Gates pour sauver l’Afrique et le monde (DaVita – 19.2%), ainsi que Helzberg Diamonds (100%), qui a contribué à la campagne de communication « Des diamants qui font le Bien » [« Diamonds do Good », NdT], à laquelle des représentants de nombre d’endroits que Bill & Melinda essayent de « sauver » ont assisté.

Je pourrais encore remplir cinq cent pages d’exemples, et vous n’auriez toujours pas la vision complète de toutes les pratiques de ces voleurs. Ils pratiquent les investissements en levier partout où il y a du lithium pour approvisionner leurs piles Duracell (100%), ou du carbure de tantale et du carbure de tungstène pour la fabrication d’outils (International Metal working Companies 100%). La liste complète, et l’empilement de richesses dont je parle, sont simplement stupéfiants. Et bordel, la fondation Bill & Melinda Gates emploie un ancien spectre de la CIA, appelée Shana Tarbell, comme directrice de la sécurité mondiale. Et je n’ai pas la place ici de vous parler de l’implication de Gates dans l’Alliance pour une révolution verte en Afrique [AGRA, Alliance for a Green Revolution in Africa, NdT], une démarche liée à des géants des OGM comme Monsanto-Bayer, DuPont, Dow et Syngenta. Je dois m’arrêter ici. Mais vraiment, l’ampleur de tout ceci dépasse l’entendement.

Quelles sont les vraies activités de la fondation Bill & Melinda Gates en Afrique ? Plein de choses, mais pas de venir en aide aux pauvres gens qui y vivent. Parmi tous les projets mentionnés par le rapport d’objectifs, il n’y en a guère qui bénéficient aux pays concernés sans que ces gens ne prennent leurs marges sur la bête. Ces épiciers célèbres iront jusqu’au bout pour gagner au jeu des riches contre les pauvres, et pour l’Afrique le score de la partie en est à des milliers de milliards à zéro. Quelle bande de pillards sans âme et sans cœur.

Phil Butler est enquêteur et analyste politique, politologue et expert de l’Europe de l’est ; il est également l’auteur du récent best-seller Les prétoriens de Poutine et d’autres livres. Il écrit en exclusivité pour le magazine en ligne New Eastern Outlook.

Traduit par Vincent, relu par Cat, vérifié par Diane pour le Saker Francophone

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