Le bouclier anti-missile de l’OTAN, déployé en Inde, risque d’alimenter la course aux armements en Asie du sud


L’Inde prévoit d’acquérir pour 1 milliard de dollars de technologie anti-missile américaine, déjà déployée dans plusieurs pays membres de l’OTAN.


Par Andrew Korybko – Le 4 août 2018 – Source orientalreview.org

andrew-korybkoSputnik signale que le ministère de la Défense indien a approuvé un accord d’achat de systèmes de missiles sol-air (NASAMS-II [National Advanced Surface to Air Missile System-II, NdT]), dans le but de protéger New Delhi, la capitale, de possibles attaques en provenance du Pakistan ou de Chine. C’est la dernière annonce en date d’une série de pays établissant des infrastructures de défense anti-missiles, partout dans le monde. Il reste cependant à comprendre comment l’Inde envisage d’intégrer cet important investissement militaire auprès des USA avec ses forces armées, principalement équipées par la Russie, surtout si l’on considère son souhait, officiel, d’acquérir le système anti-missiles S-400 vendu par Moscou, qui en théorie pourrait se poser en redondance de cette acquisition. Mais si l’on s’abstrait de ces considérations techniques et que l’on considère les enjeux stratégiques, il est irréfutable que l’Inde fait tout son possible pour contrarier les anciens équilibres stratégiques établis avec le Pakistan, son voisin et rival, en diminuant le potentiel de réponse nucléaire d’Islamabad, visant ainsi à s’assurer l’avantage dans une éventuelle guerre entre les deux pays voisins.

Il s’agit donc d’un développement déstabilisant, qui ne peut se voir suivi que de montées dans la course aux armements dans cette région. Le Pakistan peut, bien sûr, répondre de manière symétrique et faisant ses propres acquisitions de systèmes anti-missiles, mais le seul équivalent comparable aux systèmes américains est le S-400 russe, que la Russie pourrait voir un inconvénient à vendre à Islamabad, alors que New Delhi honore ses engagements d’achat du même système. Et même si l’Inde reculait face à ce programme d’acquisition – les pressions CAATSA [Les lois de sanctions américaines, souvent extra-territoriales – [« Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act », NdT] par les USA sont immenses dans ce sens – New Delhi pourrait à mots couverts menacer de cesser d’autres acquisitions militaires auprès de la Russie au cas où celle-ci arme son rival, ce qui pourrait faire réfléchir Moscou à deux fois. Les options les plus réalistes pour le Pakistan sont donc un investissement dans des satellites de détection, ou une amélioration du volet sous-marin de son programme de dissuasion nucléaire, ou encore des recherches sur les technologies de missiles hypersoniques.

Agni-V, un missile balistique intercontinental, développé par l’Organisation indienne de recherche et développement de la défense

La Chine vient de lancer un nouveau satellite pour le Pakistan, le mois dernier, et il se murmure qu’elle construit actuellement huit sous-marins pour son partenaire clé de la route de la soie, ce qui fait deux réponses en cours d’élaboration, et l’on peut supposer que des travaux sont en cours sur la troisième, mais que ceux-ci mettront plus de temps à produire des résultats tangibles. Tant que l’équilibre nucléaire peut être maintenu entre le Pakistan et l’Inde, la paix militaire au sens conventionnel reste assurée entre les deux grandes puissances ; mais toute perturbation de cet équilibre de la terreur est dangereuse à l’échelle mondiale, en raison de l’encouragement que cela apporte à chacun des deux pays de frapper l’autre en premier. Pour la stabilité du monde, il faut espérer que la parité restera assurée entre ces deux parties, et la Russie ferait bien de considérer toutes les cartes à sa main, pour continuer d’assurer que cet équilibre reste en place.

Cet article constitue une retranscription partielle de l’émission radio context countdown, diffusée sur Sputnik News le vendredi 3 aout 2018

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

Traduit par Vincent, relu par Cat pour le Saker francophone

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