La quête de l’Ouest pour « sauver le monde par la dégénérescence »


James George JATRASPar James George Jatras – Le 15 septembre 2017 – Source Strategic Culture

Les analystes des affaires mondiales ont tendance à tomber dans certains pièges concernant les motivations et le comportement des acteurs politiques. Nous examinons constamment le soutien électoral des politiciens, l’accès des États aux ressources, les lignes offensives ou défensives, les alliances et les inimitiés traditionnelles, les intérêts particuliers, la géographie, la démographie et de nombreux autres facteurs objectifs.

The West’s Quest to ‘Save the World Through Degeneracy’

Mais les motivations idéologiques, spirituelles et morales subjectives qui occupent une place prépondérante dans les actions conscientes des acteurs et agitateurs reçoivent rarement l’attention qu’elles méritent. À savoir ce que pensent eux-mêmes les présidents, ministres, militaires, bureaucrates, oligarques et gourous des ONG de ce qu’ils font lorsqu’ils préconisent ou non un certain ensemble de politiques.

Parfois, les réponses semblent n’avoir aucun sens en ce qui concerne les analyses habituelles des intérêts objectifs. La solution la plus simple de ces casse-têtes se retrouve habituellement dans le rasoir d’Occam [pourquoi compliquer les choses simples, NdT] : il suffit de suivre l’argent. Quelqu’un, quelque part, s’en met plein les poches, et en général beaucoup.

Mais même la trace de l’argent ne répond pas à certaines questions. Par exemple, dans le cadre de leurs politiques étrangères, pourquoi les gouvernements occidentaux – nord-américain et européens de l’Ouest – les ONG, etc., insistent-ils tellement pour la mise en place d’un agenda progressiste pour faire avancer les questions de genre, telles que le mariage entre conjoints de même sexe, la question des trans-genre, et ainsi de suite ? Après tout, si les Américains veulent bourrer les petits enfants d’hormones de réassignation de genre, ou si les citoyens de – oh surprise ! – Californie souhaitent assujettir les enfants de maternelle à une abomination comme Drag queen story hour 1, cela serait déjà assez mauvais (sans besoin d’intervention étatique). Certes, sur la durée, il y aura assez de jalons et de sondages de la profondeur de l’abîme – au sens figuré – pour rendre aux coupables leur juste part du dessert. Soit dit en passant, pouvons-nous éviter de penser que le « recrutement » d’enfants par les LGBTQI-etc. n’est qu’un fantasme paranoïaque de « haineux » ? Si Drag queen story hour n’est pas un recrutement pour imposer aux enfants d’abord une mentalité, et puis dans au moins certains cas une participation, alors qu’est-ce que c’est ? L’Amérique peut être fière, elle n’a pas de mauvaises lois, comme en Russie, visant à protéger les enfants de la « propagande des relations sexuelles non traditionnelles ». Quelles brutes !

La demande de l’Occident pour de nouvelles valeurs sociales et morales post-chrétiennes est un danger particulier pour certains des pays sortis du communisme dans les années 1990. Paradoxalement, étant donné la prétention du marxisme-léninisme d’être la science, sans foi, du progrès social, l’Europe centrale et orientale postcommuniste est généralement beaucoup plus traditionnelle et – oserons nous le dire ? – chrétienne, sans être particulièrement religieuse, dans sa conscience sociale par rapport à l’Occident. Peut-être est-ce parce que le matérialisme communiste a été un tel échec par rapport au matérialisme consumériste que l’Occident a fourni un terrain beaucoup plus fertile pour transformer l’idéologie de la lutte des classes en une lutte contre les valeurs spirituelles et morales dans lesquelles la société est enracinée. Le paradoxe est que, aujourd’hui, étrangement, les racines de ce que l’on a connu autrefois comme la chrétienté sont encore relativement plus fortes à l’Est – et doivent donc être détruites.

D’où les menaces des gouvernements occidentaux à certains pays – la Pologne, la Hongrie, la Russie, la Biélorussie, la Serbie, l’Ukraine, la Géorgie, etc. – pour améliorer leur performance sur les droits de l’homme et sur les questions de genre. Organisez un défilé gay ! Reconnaissez les unions homosexuelles ! Imaginez que les garçons peuvent se transformer en filles et vice versa ! Sinon, des sanctions ! Des pressions similaires sont exercées sur des pays majoritairement chrétiens en Afrique subsaharienne. Les pays islamiques sont à l’abri des critiques.

Comme on le voit depuis des décennies, il y a un schéma directeur d’impérialisme basé sur la dégénérescence sexuelle. On le trouve dans un endroit improbable, dans le roman « A Confederacy of Dunces » [La Conjuration des imbéciles] de John Kennedy Toole. Écrit en 1963, mais publié seulement en 1980, le livre reprend son titre de l’épigramme de l’essai de Jonathan Swift, « Thoughts on Various Subjects, Moral and Diverting » : « Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on peut le reconnaître par le signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui. »

Dans ce cas, le génie en question est le protagoniste fictif de John Kennedy Toole, le brillant mais paresseux Ignatius J. Reilly – un disciple du philosophe romain tardif Boethius – qui rencontre dans les rues de sa Nouvelle-Orléans natale un membre de ce qui serait aujourd’hui appelé une minorité sexuelle. La rencontre fortuite provoque en Reilly un éclat de perspicacité, révolutionnaire et audacieux, qui s’intègre si bien dans notre monde contemporain qu’il est difficile de croire qu’il s’agit d’une description datant de plus d’un demi-siècle. Il n’y a aucune preuve que ce passage soit, en fait, une inspiration pour nos fanatiques actuels de la révolution impérialiste de genre, mais les parallèles étonnants, y compris un appel à changement de régime dans les « pays réactionnaires », parlent d’eux-mêmes, extrait :

« Alors que j’usais les semelles de mes légères bottes de suédine, réduites à un simple ruban de crêpe en caoutchouc, sur les vieilles dalles du Quartier français en essayant fiévreusement de gagner ma vie dans une société impensable et indifférente, j’ai été salué par une vieille connaissance chérie (invertie). Après quelques minutes de conversation au cours desquelles j’ai établi très facilement ma supériorité morale sur ce dégénéré, je me suis mis à réfléchir, une fois de plus, aux crises de notre époque. Mon esprit, incontrôlable et désintéressé comme toujours, m’a murmuré un projet tellement magnifique et audacieux que j’ai reculé à la pensée de ce que j’entendais. ‘Stop !‘. J’ai pleuré implorant mon esprit céleste. ‘C’est une folie’. Mais, malgré tout, j’ai écouté le conseil de mon cerveau. Il m’a offert l’opportunité de sauver le monde par la dégénérescence. Là, sur les pierres usées du Quartier, j’ai enrôlé l’aide de cette fleur flétrie de l’humanité, en rassemblant ses compagnons en élégance et en détresse, derrière la bannière de la fraternité.

Notre première étape sera d’élire l’un d’eux à un poste très élevé – la présidence, si la Fortune nous sourit avec gentillesse. Ensuite, ils s’infiltreront dans l’armée. En tant que soldats, ils seront tous si continuellement occupés à fraterniser entre eux, à adapter leurs uniformes en boyaux  de saucisses, à inventer des vêtements de combat nouveaux et variés, à faire des cocktails, etc., qu’ils n’auront jamais le temps de se battre. Celui dont nous aurons finalement fait le Chef d’état-major voudra seulement s’occuper de sa garde-robe à la mode, garde-robe qui, en alternance, lui permettra d’être soit Chef d’état-major soit débutante, selon l’envie du moment. En voyant le succès de leurs camarades unifiés ici, des pervers à travers le monde se rassembleront aussi pour investir l’armée dans leurs pays respectifs. Dans les pays réactionnaires où les déviants auraient des difficultés à prendre le contrôle, nous enverrons des rebelles pour les aider à renverser leurs gouvernements. Lorsque nous aurons, finalement, renversé tous les gouvernements existants, le monde ne bénéficiera plus des joies de la guerre, mais d’orgies mondiales menées avec le meilleur protocole et l’esprit le plus véritablement international, car ces personnes transcendent les simples différences nationales. Leurs esprits n’ont qu’un seul but : être vraiment unies et penser comme un seul.

Aucun des pédérastes au pouvoir, bien sûr, ne sera assez proche des choses pour s’instruire de dispositifs tels que les bombes. Les armes nucléaires se décomposeront quelque part dans leurs silos. De temps à autre, le Chef d’état-major, le président et ainsi de suite, habillés de paillettes et de plumes, divertiront les leaders, c’est-à-dire les pervers, de tous les autres pays dans des bals et des fêtes. Des querelles de toutes sortes pourraient facilement être redressées dans la salle des hommes aux Nations Unies, redécorée. Les ballets, comédies musicales et divertissements de Broadway vont s’épanouir partout et rendront le peuple plus heureux que les sombres déclarations, hostiles et fascistes de leurs anciens dirigeants.

Presque tout le monde a eu l’occasion de diriger le monde. Je ne vois pas pourquoi ces personnes ne devraient pas aussi avoir leur chance. Ils ont certainement été débiteurs assez longtemps. Leur mouvement vers le pouvoir ne sera en quelque sorte qu’une partie du mouvement mondial vers l’opportunité, la justice et l’égalité pour tous. Pouvez-vous, par exemple, nommer un vrai travesti  pratiquant au Sénat ? Non. Ces gens sont sans représentation depuis assez longtemps. Leur sort est une catastrophe nationale, mondiale.

La dégénérescence, plutôt que prendre acte de la chute d’une société, comme on l’a fait jadis. Cela signifiera la paix pour un monde troublé. Nous devons apporter de nouvelles solutions aux nouveaux problèmes. »

James George Jatras

Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

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