Par Andrew Korybko – Le 19 décembre 2018 – Source orientalreview.org
La Russie a récemment envoyé deux bombardiers nucléaires au Venezuela
Ce développement soudain se produit à l’issue de la visite du président Maduro à Moscou, où il a pu sécuriser l’équivalent de 6 milliards de dollars d’investissement dans ses industries pétrolière et aurifère, ainsi que la livraison par la Russie de 600 000 tonnes de blé pour son peuple.
Et dans le contexte où les USA annoncent leur retrait du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI), signé en 1987, sous le prétexte – et sans preuve – que la Russie en violerait les termes : l’envoi de ces avions par Moscou pourrait bien constituer une réponse asymétrique à Washington, et pourrait présager d’une systématisation de ce type de déplacements aériens à l’avenir, après le retrait étasunien de l’accord prévu dans le courant de l’année prochaine.
Mike Pompeo, le Secrétaire d’État, s’est montré si révolté par cet envoi qu’il n’a pu s’empêcher d’attaquer hypocritement la Russie sur Twitter, coupable d’« envoyer des bombardier à l’autre bout de la planète », oubliant totalement au passage que son propre pays dispose de bien plus que deux bombardiers nucléaires à l’autre bout de la planète. Il est allé encore plus loin, lançant une diatribe selon laquelle « Les peuples russes et vénézuéliens devraient voir ce qui se passe vraiment : deux gouvernements corrompus gaspillant des fonds publics, et étouffant toute liberté alors que leurs peuples souffrent », comme si l’envoi de ces deux avions constituait une opération militaire hors de prix, ruinant la Russie et comme si le peuple vénézuélien se retrouvait en état d’occupation étrangère.
Bien au contraire, envoyer ces deux avions représente une part insignifiante du budget militaire russe, et vise à protéger la souveraineté du Venezuela, qui subit de plein fouet les menaces de Guerre hybride fomentées par les USA ; c’est bien pour cette raison, et parce que Moscou a su jouer ce coup en réponse asymétrique au retrait de Washington du traité FNI, que Pompeo a pété un plomb et s’est mis à envoyer ses tweets. Quoi qu’on puisse penser du gouvernement vénézuélien assiégé, ce coup ne lui a rien coûté, et n’a rien à voir avec une réduction supposée des libertés publiques dans le pays.
Pompeo a carrément sonné l’alarme, parce qu’il a lui-même peur des implications stratégiques de voir la Russie envoyer régulièrement des bombardiers nucléaires dans l’hémisphère Ouest, chose que son pays est incapable d’empêcher, sauf à réussir à renverser le gouvernement démocratiquement élu et légitime du Venezuela. Ce renversement est de moins en moins probable, les autorités du pays recevant des aides financières conséquentes de la part de leurs partenaires russe et chinois : si ces aides sont bien gérées, elles pourront profiter à la population du pays. Dans la situation présente, le coup de sang de Pompeo est à interpréter comme un cri de désespoir, après la prise de « judo » géopolitique réalisée ici par le président Poutine.
Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Radio Sputnik le vendredi 14 décembre 2018.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Vincent, relu par Cat pour le Saker Francophone
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