La politique raciale en Amérique et en Californie


Par Ron Unz – Le 12 novembre 2018 – Source Unz Review
Jack Ohman cartoon, The Sacramento Bee: California is a riot!

Dessin animé de Jack Ohman, du Sacramento Bee : La Californie est une émeute !

Je n’ai pas suivi de près la campagne électorale de mi-mandat, mais les résultats semblaient correspondre aux attentes de Donald Trump et des Républicains. Certaines élections étant encore indécises, les Démocrates vont apparemment remporter près de 35 sièges à la Chambre des Représentants, ce qui leur donnera un solide contrôle sur cette chambre, ainsi qu’une demi-douzaine de gouvernorats, tout en perdant au moins quelques sièges au Sénat. Ces gains globaux des Démocrates semblent à peu près ce à quoi on pouvait s’attendre pour la première élection de mi-mandat après une victoire présidentielle républicaine, mais rien du genre « vague bleue » qui semblait possible quelques mois auparavant, avant que l’amère bataille publique sur la nomination de Kavanaugh par la Cour suprême ne redynamise grandement la base républicaine.

Peut-être que la perte de la Chambre pourrait s’avérer être une bénédiction mitigée pour Trump. Les Démocrates prendront le contrôle de tous les comités d’enquête avec leurs cortèges d’accusations et d’assignations à comparaître pour rendre la vie de Trump encore plus misérable qu’avant, tout en éliminant sûrement toute chance que des éléments importants du programme à venir de Trump soient un jour adoptés. Cependant, bien que Trump soit parvenu à la présidence en préconisant un programme populiste-nationaliste radical, il a à peine gouverné en ces termes. Pendant ses deux premières années au pouvoir, il a coulé presque tout son capital politique en promulguant d’énormes réductions d’impôts pour les riches, la déréglementation en gros de Wall Street, de fortes augmentations des dépenses militaires, et une politique étrangère extrêmement pro-israélienne, exactement le genre de politiques très proches des candidats conservateurs de l’establishment qu’il avait écrasé lors des primaires républicaines en 2016. Pendant ce temps, ses partisans de base abandonnés ont dû se contenter d’une rhétorique radicale et d’un barrage régulier de Tweets scandaleux plutôt que de quoi que ce soit de plus substantiel. Avec les Républicains en plein contrôle du Congrès, trouver des excuses pour cette trahison généralisée était assez difficile, mais maintenant que les Démocrates ont pris la Chambre, les apologistes de Trump pourront plus facilement leur faire porter le chapeau.

Entre-temps, un Sénat républicain beaucoup plus fort facilitera certainement la tâche des futurs candidats de M. Trump à la Cour suprême, surtout s’il y a une autre vacance à la Cour suprême, et il y aura peu de chances que des batailles aussi difficiles qu’avec M. Kavanaugh soient à livrer. Cependant, là encore, le prétendu radicalisme de Trump n’a été que rhétorique. Kavanaugh et presque tous ses autres candidats ont été des choix républicains très courants, soigneusement approuvés par la Société fédéraliste et d’autres groupes conservateurs, et ils auraient probablement été en tête de liste si Jeb Bush ou Marco Rubio étaient assis dans le bureau ovale.

Tant les partisans de Trump que ses opposants affirment que sa présidence représente une rupture radicale avec le statu quo républicain, et c’était certainement l’espoir de nombreux Américains qui ont voté pour lui en 2016, mais la réalité réelle semble souvent assez différente.

Bien que les résultats nets des élections n’aient pas été particulièrement mauvais pour les Républicains, les implications de plusieurs élections dans des États semblent extrêmement préoccupantes. L’élection sénatoriale la plus médiatisée a eu lieu au Texas, et Trump a peut-être évité de justesse une balle. Parmi nos plus grands États, le Texas est de loin le plus solidement républicain, et c’est pourquoi il est le pivot central de toute campagne présidentielle républicaine. Le GOP a remporté toutes les grandes élections dans cet État depuis plus de vingt ans, mais malgré ces avantages apparemment énormes, le sénateur sortant Ted Cruz a dû faire face à une campagne de réélection très difficile contre un jeune membre du Congrès de la région frontalière nommé Beto O’Rourke, qui a attiré un enthousiasme énorme et un océan de financement local et national.

J’étais au Texas quelques jours seulement avant le vote, parlant lors d’une conférence sur Ron Paul dans la région de Houston, et même si la plupart des participants libertariens pensaient que Cruz allait probablement gagner, ils étaient tous d’accord avec les médias nationaux que ce serait probablement serré. La marge de victoire finale de Cruz, inférieure à trois points, a confirmé ce verdict.

Mais si les choses s’étaient passées différemment et qu’O’Rourke avait remporté une victoire étroite, notre politique nationale en aurait été immédiatement transformée. Tout républicain capable de gagner la Californie a quasiment la main sur la Maison-Blanche, et il en va de même pour tout démocrate capable de l’emporter dans le Texas, surtout si ce dernier est un jeune et séduisant libéral kennedyesque, parlant couramment l’espagnol et probablement très populaire auprès des grandes populations latinos des autres États importants comme la Floride, l’Arizona, le Nevada, le Colorado. Je soupçonne fortement qu’un sénateur fraîchement élu comme O’Rourke (R-Texas) se serait vu offrir l’investiture démocrate de 2020 presque par acclamation, et à moins de développements personnels ou nationaux imprévus, aurait été le grand favori dans cette campagne contre Trump ou tout autre républicain. Le candidat O’Rourke a amassé la somme étonnante de 70 millions de dollars en dons à l’échelle nationale, et plusieurs de ses donateurs rêvaient certainement de possibilités semblables. Un changement d’à peine un point et demi, et dans vingt-quatre mois, il aurait probablement été notre prochain président. Mais il ne devait pas en être ainsi.

Néanmoins, la nature très serrée de la course n’augure rien de bon pour le contrôle à long terme des républicains sur ce qui est certainement devenu l’un de leurs États incontournables. O’Rourke était peut-être un candidat particulièrement séduisant et Cruz a souvent été décrit comme difficile à apprécier, mais une petite marge de victoire tirée entièrement de la partie plus âgée et plus blanche de l’électorat texan renforce la crainte croissante du GOP que les changements démographiques ne conduisent inévitablement le Texas à tomber entre les mains des démocrates.

Ces signes négatifs ont été encore plus marqués lors des campagnes à fort enjeu en Floride et en Géorgie, qui ont été remportées de justesse par un républicain blanc de droite face à un démocrate noir de gauche. Dans le passé, on aurait pu s’attendre à ce qu’un match de ce genre dans les États du Sud produise des victoires éclatantes du GOP, mais cette année, la marge était inférieure à deux points en Géorgie et moins d’un point en Floride. Les deux démocrates noirs ont fait preuve d’une force étonnante malgré les casseroles personnelles considérables qu’ils avaient derrière eux, le candidat de la Floride faisant l’objet d’une possible enquête dans un scandale local de corruption et celui de la Géorgie devant plus de 50 000 $ d’impôt fédéral sur le revenu non payé. Normalement, ces facteurs auraient été exactement le genre à fournir à un électorat blanc racialement méfiant, une sorte de « déni psychologique » pratique, lui permettant de voter pour le candidat blanc avec la conscience tranquille.

Bien que la Floride ait traditionnellement été un État changeant, la Géorgie a été solidement républicaine pendant de nombreuses années, du moins au niveau fédéral, soutenant le candidat républicain à la présidence dans six des sept dernières élections, avec seulement Bill Clinton, élu dans le Sud, qui l’avait emporté d’un souffle en 1992. Les deux sénateurs géorgiens sont républicains depuis 2005, tout comme la plupart des membres de la délégation du Congrès depuis plus de deux décennies, ainsi que tous les titulaires actuels d’une charge publique. La Géorgie a élu des démocrates éminents dans un passé pas trop lointain, mais ceux-ci ont toujours été des blancs modérés de type méridional. Dans une société dont la politique était encore largement divisée selon des critères raciaux, élire un noir libéral de gauche comme gouverneur aurait pu sembler presque impensable, mais cela ne s’est pas produit que pour quelques points.

L’apparente victoire démocrate dans une course serrée au Sénat de l’Arizona représente un autre signe d’avertissement sévère pour les républicains. À la seule exception de 1996, cet État avait soutenu sans faille la liste présidentielle républicaine à toutes les élections nationales depuis 1960 et les deux sénateurs étaient républicains depuis 1995, la délégation du Congrès ayant généralement suivi la même voie au cours des cinquante dernières années. Pourtant, un démocrate semble maintenant avoir remporté un siège ouvert au Sénat, ce qui ne s’était pas produit depuis 1976.

Le facteur évident des réalignements politiques en Géorgie et en Arizona est l’évolution démographique à long terme, en particulier la croissance rapide de la population hispanique locale. Combiné à une rhétorique anti-immigrés sévère de la part des Républicains, tant au niveau national que local, le résultat peut s’avérer mortel pour les perspectives du GOP dans ces deux États. Et c’est exactement ce que j’avais prédit en 2011 :

« Considérons maintenant l’avenir politique probable d’un État comme l’Arizona, le point zéro de la plus récente vague de réaction anti-immigrés de la part de Blancs nerveux. Une grave récession et une évolution démographique rapide avaient alarmé les électeurs de l’Arizona, dont beaucoup étaient des retraités âgés venus d’ailleurs, les rendant vulnérables aux rumeurs d’une énorme vague de criminalité immigrée, y compris des décapitations et des enlèvements, qui n’avaient presque tous aucun sens. En conséquence, de dures mesures anti-immigrés ont été adoptées et leurs partisans, pour la plupart républicains, ont remporté des victoires retentissantes auprès d’un électorat qui est aujourd’hui composé d’environ 80% de Blancs.

Mais enterré au fond d’un seul des innombrables articles du New York Times analysant la politique de l’Arizona, il y a le fait apparemment mineur et non pertinent que presque la moitié des écoliers de l’Arizona sont maintenant hispaniques. Par ailleurs, selon les données du recensement, plus de 80% des Arizoniens âgés de 65 ans ou plus sont blancs. Dans dix ans ou plus, il semble probable que les Blancs et les Hispaniques de l’Arizona auront de très bonnes relations et que les premiers auront oublié depuis longtemps leur ‘peur actuelle des migrants’. Mais ces derniers s’en souviendront encore, et le parti républicain de l’Arizona, autrefois puissant, sera mis sur la voie de l’oubli.

Même dans un État républicain du Sud profond et solide comme la Géorgie, les Hispaniques représentent aujourd’hui 10% de la population, contre presque rien au début des années 1990, et ils représentent une proportion encore plus importante des jeunes Géorgiens. Ainsi, à moins que le parti républicain local ne puisse, d’une manière ou d’une autre, accroître considérablement son attrait pour les 30% de Géorgiens noirs, la vague actuelle de législation anti-immigrés pourrait se révéler très problématique dans dix ou vingt ans. »

Cette évolution démographique due à l’immigration, qui s’est traduite par une réaction brutale mais temporaire des électeurs conservateurs, suivie plus tard par l’effondrement politique du parti républicain local, n’est pas nouvelle pour moi. J’ai d’abord suggéré cette forte possibilité pour mon État natal, la Californie, il y a plus de vingt-cinq ans, et j’ai ensuite publié de nombreux articles et chroniques décrivant la dynamique politique avant, pendant et après ces situations politiques.

Bien que nombre de mes articles aient été publiés dans des publications conservatrices de premier plan comme le Wall Street Journal, et qu’ils aient souvent fait l’objet de nombreuses discussions et aient même été approuvés par l’élite républicaine, les pressions politiques immédiates dans le sens contraire ont toujours été trop fortes. Conséquence directe, le Parti républicain californien, autrefois puissant, n’a cessé de perdre de sa pertinence, tombant tout récemment sous la barre des 25% de l’électorat. Depuis de nombreuses années, tous les postes à l’échelle de l’État sont occupés par des démocrates, qui détiennent maintenant aussi une super majorité à l’Assemblée législative de l’État, alors qu’il y a une chance raisonnable qu’une fois toutes les élections bouclées, la taille de la délégation au Congrès du GOP tombe à moins de 10 membres.

Je pense que toute mon analyse de cette dynamique politique, que ce soit en Californie ou à l’échelle nationale, a très bien résisté, et je ne changerais guère un seul mot que j’avais déjà écrit. Je ne vois donc aucune raison de me répéter longuement. Au lieu de cela, j’invite ceux qui sont intéressés de lire quelques-uns de mes articles antérieurs qui traitent du sujet en détail, puis décider eux-mêmes si, rétrospectivement, mon analyse semble avoir été correcte.

La Californie et la fin de l’Amérique blanche

La transformation raciale sans précédent de la Californie et ses conséquences politiques
RON UNZ – MAGAZINE DE COMMENTAIRES, OCTOBRE 1999 – 8,600 MOTS

L’immigration, les Républicains et la fin de l’Amérique blanche

Les sources des problèmes d’immigration de l’Amérique – et une solution possible
RON UNZ – LE CONSERVATEUR AMÉRICAIN, SEPTEMBRE 2011 – 12 200 MOTS

Évidemment, la politique raciale en Amérique tourne actuellement autour des positions prises par l’Administration Trump. Pour des raisons de politique étrangère, j’avais fortement favorisé Trump tant aux élections primaires qu’aux élections générales, mais je ne l’ai jamais considéré comme un navire maintenant solidement son cap au sujet des positions qu’il prétendait adopter. Pour parler franchement, il m’a frappé un peu comme un ouvrier du bâtiment très endoctriné, se mettant en colère en faisant de la politique dans son bar de quartier, ayant raison sur certaines questions et tort sur d’autres, mais sans qu’aucune de ses opinions ne soient basées sur une compréhension profonde des problèmes. Je soupçonne que même les plus fervents partisans de Trump se sont peu à peu ralliés à une appréciation similaire de leur idole.

Cela n’est nulle part mieux illustré que dans le dossier de l’immigration, qui l’a certainement aidé à remporter l’investiture républicaine et qui a joué un rôle majeur dans sa victoire inattendue à l’élection générale. Dès le début, son approche tout à fait erronée de ce sujet hautement controversé semble avoir été presque parfaitement calculée pour être à la fois inefficace et gravement préjudiciable à ses objectifs supposés.

On peut affirmer avec force que les niveaux d’immigration américains sont beaucoup trop élevés depuis de nombreuses années et qu’ils devraient être fortement réduits, et qu’un tel changement ralentirait aussi considérablement la transformation démographique en cours qui a tant agité une grande partie de la majorité blanche américaine. Mais à cet égard, l’accent écrasant mis par Trump sur l’immigration illégale n’a absolument aucun sens. Si l’on exclut une proportion relativement faible des immigrants légaux les plus qualifiés, les autres ne sont probablement pas si différents dans leurs caractéristiques de leurs homologues sans papiers, et en effet, les individus peuvent souvent passer d’une catégorie à l’autre au fil du temps, car les clandestins obtiennent des cartes vertes là ou les légaux restent ici après la fin de leur visa temporaire. L’accent rhétorique omniprésent mis sur les immigrés clandestins semble principalement dû à un mélange de « politiquement correct » et de démagogie politique, complété par de l’ignorance pure et simple.

Selon la plupart des estimations, la taille de la population américaine des sans-papiers a été presque entièrement stagnante depuis l’effondrement de l’emploi dans le secteur de la construction, alors que l’immigration légale nette a encore régulièrement été d’un million ou plus par an. Par conséquent, il semble probable que la quasi-totalité de l’immigration nette au cours de la dernière décennie ait été globalement d’origine légale.

Ces simples faits échappent apparemment à certaines des voix les plus bruyantes sur le sujet. Par exemple, il y a environ un an, j’ai écouté le podcast d’une personnalité de premier plan de l’Alt-Right, un partisan de Trump qui prétendait avoir fait de l’immigration clandestine son principal objectif politique. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il ignorait généralement l’immigration légale, il a répondu que les chiffres dans cette catégorie étaient tout simplement trop faibles. Avec un leadership aussi inspiré, l’effondrement du mouvement Alt-Right ne m’a guère surpris.

Le principal enjeu de la campagne populiste de Trump était la construction d’un mur à notre frontière mexicaine visant à bloquer le flux d’immigrants illégaux, et de nombreux partisans de Trump sont devenus amers devant son échec total à tenir cette promesse, ne serait-ce qu’un petit bout. Mais comme je l’ai souvent souligné, cette idée n’a absolument aucun sens. Supposons que Trump ait construit son mur, haut de 213 mètres [Sic …, NdT], avec des mines terrestres et des mitrailleuses automatiques devant. Si (disons) 95 % de nos immigrants traversent la frontière légalement, comment un tel mur aurait-il un impact réel sur ce flux ? Les politiques fondées sur une ignorance totale des faits ont peu de chances d’aboutir.

Peu de temps après, sa campagne a pris feu lorsque les médias nationaux se sont lancés dans une frénésie nourrissante au sujet de l’assassinat d’une jeune femme blanche nommée Kathryn Steinle par un ressortissant mexicain déjà expulsé vivant à San Francisco. Protéger l’Amérique des hordes déchaînées d’illégaux a été un thème central de l’administration Trump et de ses partisans, à tel point qu’ils ont même clôturé la récente campagne de mi-mandat du Congrès par un spot télévisé très controversé mettant en scène un immigrant illégal condamné pour avoir tué deux shérifs adjoints en 2014.

https://youtu.be/0pdxPLCAAFE

Cependant, cette notion répandue de criminalité des immigrants est presque entièrement fausse. Toutes les données disponibles indiquent que les immigrants, qu’ils soient légaux ou illégaux, hispaniques ou non, ont des taux de criminalité qui ne sont pas très différents de ceux des Américains blancs nés dans le pays, du même âge et du même sexe, et souvent légèrement inférieurs. J’ai démontré ce résultat important il y a près d’une décennie, et toutes les informations ultérieures ont confirmé cette constatation. Cette réalité n’est guère difficile à remarquer dans notre vie quotidienne. Lorsque j’ai déménagé pour la première fois à Palo Alto il y a un quart de siècle, la ville voisine d’East Palo Alto avait le taux de meurtres par habitant le plus élevé des États-Unis, mais après qu’une vaste vague d’immigrants hispaniques eut transformé sa démographie, le taux d’homicides a baissé de quelque 97%.

Bon nombre des commentateurs réguliers de mon webzine sont des activistes anti-immigrés zélés, et chaque fois que les médias nationaux se concentrent sur l’arrestation d’un immigrant illégal pour un délit violent, ils citent le cas comme confirmant les dangers de la criminalité issue de l’immigration, avec le viol et le meurtre de Mollie Tibbetts en Iowa, il y a quelques mois, comme exemple le plus récent. Cependant, ce genre de raisonnement anecdotique ne concerne que l’épaisseur du trait.

La plupart des experts estiment qu’il y a environ 11 millions d’immigrants illégaux en Amérique, et certains activistes affirment souvent que ce chiffre est beaucoup plus élevé ; entre-temps, il y a plus de 15 000 homicides annuels. Malgré ces chiffres énormes, je soupçonne que le nombre de Blancs ordinaires de la classe moyenne tués par des clandestins est presque infime, probablement pas plus de 10 par an si l’on exclut les épouses poignardant leur mari et les trafiquants de drogue rivaux qui s’entre-tuent. Des sites Web dynamiques de droite comme Breitbart et le Daily Stormer scrutent avec empressement les médias d’information dans l’espoir de trouver des histoires de meurtres d’immigrants, et j’ai mis ces commentateurs au défi de puiser dans les archives de ces publications afin de réfuter mes comptes, mais aucun d’eux n’a jamais réussi à le faire. En effet, je soupçonne que les meurtres de Blancs par des immigrants illégaux font souvent la une des journaux nationaux, en partie parce qu’ils sont si exceptionnellement rares, et que l’Américain blanc moyen est à peu près aussi susceptible d’être tué par la foudre que tué par un illégal. Pour un candidat, remporter la présidence sur la base d’un programme d’expulsion éclair n’est guère la marque d’un pays sérieux.

Ironiquement, même les détails de l’assassinat de San Francisco, qui ont donné un coup de fouet à la campagne balbutiante de Trump, se sont révélés très différents de ce que l’on pouvait imaginer. Bien que la plupart des partisans de Trump aient probablement eu l’impression que l’homicide avait été commis par un criminel latino endurci, peut-être un gars d’un gang poussé par la haine anti-blanc, les faits qui ont finalement été révélés au procès étaient tout autres. Le coupable était un sans-abri désorienté, entré illégalement, qui avait apparemment trouvé une arme à feu en fouillant les ordures. Lorsqu’il l’agita de façon insouciante et imprudente, elle s’est soudainement déchargée, la balle frappant le trottoir à une douzaine de pieds de l’endroit où il était assis, puis ricochant pour blesser mortellement la malheureuse victime qui se trouvait à une centaine de pieds de distance. Sur la base de ces circonstances improbables, la tragédie semble beaucoup plus proche d’un coup du sort que d’un meurtre de rue typique.

Les dernières remarques préélectorales de Trump, prétendant qu’il possédait le droit légal de publier un décret exécutif abolissant nos dispositions traditionnelles sur le droit à la citoyenneté par naissance, semblaient particulièrement ridicules, bien que très populaires au sein de son parti de droite. La citoyenneté américaine automatique pour tous les enfants nés ici, quel que soit le statut juridique de leurs parents, est inscrite dans le droit constitutionnel depuis plus d’un siècle, et presque tous les experts juridiques ont affirmé qu’elle était garantie par le quatorzième amendement, comme l’a confirmé un arrêt de la Cour suprême au XIXe siècle. Au cours des dix ou vingt dernières années, une poignée d’avocats ont prétendu que cette politique pouvait être renversée par une loi du Congrès plutôt que par un amendement constitutionnel, mais avant Trump, personne n’avait prétendu que le président avait la capacité de dépouiller des millions d’Américains de leur citoyenneté simplement par le biais d’un « Executive Tweet » [Ironie sur la notion d’Executive Order, NdT].

À mon avis, les arguments juridiques en faveur de la disposition du quatorzième amendement sur le droit du sol semblent extrêmement solides et ceux qui la contestent le font pour des raisons très douteuses, clairement motivées par des raisons idéologiques. Mais étant donné mon manque de formation juridique, je soulèverais un autre point. Depuis la fin du XIXe siècle, des millions et des millions d’enfants sont nés d’immigrants illégaux dans ce pays, et tous ont toujours été considérés comme des citoyens américains automatiquement, sans qu’une seule personne ait jamais contesté cette question jusqu’à tout récemment. Ce n’est pas que les tribunaux aient jugé que les enfants étaient des citoyens, c’est qu’au cours du dernier siècle, personne n’avait même remis en question cette amendement pour essayer de le soumettre à un juge, et aucun politicien ou chroniqueur d’opinion n’avait jamais soulevé un doute. Les opposants à la citoyenneté fondée sur le droit du sol proposent donc clairement une innovation juridique assez étonnante, qui aurait certainement surpris plusieurs générations d’Américains par le passé.

Il est vrai que ces innovations sont devenues un peu plus courantes dans la jurisprudence américaine récente. Par exemple, à ma connaissance, personne dans toute l’histoire du monde n’avait jamais soulevé la notion de mariage homosexuel jusqu’à il y a à peine deux décennies, mais nous avons récemment découvert que nos pères fondateurs avaient par hasard garanti un droit au mariage homosexuel dans la Constitution des États-Unis, où il est resté non détecté pendant plus de deux siècles, jusqu’au moment opportun. Ainsi, les principes constitutionnels sont évidemment beaucoup plus malléables qu’ils n’auraient pu le paraître.

Pourtant, les aspects pratiques de la soudaine révolution juridique de Trump semblent considérables. Par exemple, au cours du siècle dernier, l’immigration légale en provenance du sud de la frontière a été relativement faible alors que le nombre de citoyens hispaniques a augmenté de bien plus que 40 millions. Il semble donc probable que des dizaines de millions de ces Latino-Américains tirent leur citoyenneté de ces dispositions contestées en matière de droit du sol, et il est probable que quelques millions de citoyens blancs et asiatiques tomberaient également dans la même catégorie. Étant donné que le territoire juridique est si complètement inexploré, peut-être que Trump croit que son autorité en la matière est rétroactive, et qu’un président qui dépouillerait peut-être 30 millions d’Américains de leur citoyenneté actuelle d’un seul Tweet démontrerait certainement le pouvoir impressionnant de Twitter.

À bien des égards, les échecs de l’administration Trump illustrent les difficultés auxquelles une superpuissance est confrontée lorsqu’elle est dirigée par un philosophe politique qui se laisse guider par sa propre auto satisfaction.

Il y a vingt ans ou plus, j’aurais été extrêmement préoccupé par toutes ces controverses politiques à caractère raciste concernant l’immigration, et tout au long des années 1990, ces questions ont été au centre de mes préoccupations. Mais de nos jours, je vois ces batailles médiatiques nationales bruyantes avec détachement ou irritation plutôt que comme quelque chose de plus grave. La raison principale en est la trajectoire récente de la Californie, et pas seulement parce que c’est mon État d’origine.

Historiquement, les Blancs ont été minoritaires dans quelques petits États américains comme Hawaï et le Nouveau-Mexique, mais pendant la majeure partie du XXe siècle, la gigantesque Californie s’était classée comme notre grand État le plus blanc. Puis, en l’espace d’une seule génération, elle a subi l’un des plus grands changements démographiques de l’histoire de l’humanité, devenant rapidement l’un des États les moins blancs. Au cours des années 1990, les Blancs de Californie ont soudainement découvert qu’ils étaient devenus une minorité de plus en plus restreinte de la population de leur propre État, mais ils sont demeurés une importante super majorité de l’électorat californien. Le décalage qui en a résulté entre la population et le pouvoir politique a été un facteur majeur dans les guerres d’immigration extrêmement amères de cette période, dont j’ai beaucoup parlé.

Bien que les problèmes d’immigration ailleurs n’étaient que peu visibles à l’époque, ils dominaient totalement les problèmes californiens, avec des conséquences potentiellement désastreuses. Dans de mauvaises circonstances, notre politique aurait pu dégénérer en un cycle d’hostilité amère entre deux grands blocs, la moitié environ de notre population étant composée de Blancs nés dans le pays et l’autre moitié de non-Blancs d’origine immigrée récente. Pour des raisons de citoyenneté et d’âge, le premier aurait détenu l’écrasante majorité du pouvoir politique et aurait pu être tenté d’utiliser ces leviers considérables pour bloquer l’essor du second, autrement presque inévitable en raison de son élan démographique.

À l’époque, la Californie représentait une proportion encore plus grande de notre population nationale qu’aujourd’hui, étant comparable au total combiné du Texas et de New York, les deux États suivants, et en tant que foyer de Hollywood et de la Silicon Valley, elle a longtemps été reconnue comme le chef de file pour ce pays. Si un État aussi ensoleillé et plein d’espoir s’était soudainement enlisé dans un cycle sans fin de conflits politiques raciaux entre Blancs et immigrants, à l’instar des clivages traditionnels entre Noirs et Blancs du Grand Sud, cela aurait facilement pu établir un modèle à l’échelle nationale.

Certaines politiques sociales particulièrement malheureuses ont potentiellement amplifié ce risque. Historiquement, la principale source de division ethnique nationale a toujours été d’ordre linguistique, et la Californie semblait particulièrement vulnérable à cet égard. Presque partout dans le monde, les enfants immigrés apprennent la langue nationale de leur nouveau pays, et cela a toujours été le cas dans nos propres écoles. Mais pour des raisons totalement bizarres et inexplicables, l’Amérique a progressivement abandonné cette politique sensée pour les immigrants hispaniques. La Californie était le centre national de ce nouveau système d’enseignement de l’espagnol presque exclusivement, appelé à tort « éducation bilingue », avec jusqu’à 70% des enfants latinos passant au moins une partie de leurs années scolaires dans ces classes, et par conséquent ne parvenant souvent pas à maîtriser correctement l’anglais. Si l’État le plus grand et le plus important de notre pays était devenu fortement divisé en fonction de l’ethnicité et de la langue, un désastre national aux accents séparatistes aurait pu devenir une possibilité réaliste, d’autant plus que le modèle des relations des immigrants dans les autres États a commencé à suivre le modèle dominant de la Californie.

Heureusement, malgré les risques très graves, cette calamité nationale a été évitée de justesse, en partie grâce au travail acharné de nombreuses personnes, en partie grâce à la chance et en partie grâce à l’incompétence politique du Parti républicain de Californie, que le gouverneur Pete Wilson avait opportunément positionné comme porte-drapeau de la cause anti-immigrants. Bien que la démagogie produise souvent de forts avantages à court terme, les républicains californiens sont rapidement tombés dans un déclin marqué qui s’est poursuivi presque sans relâche jusqu’à nos jours, la Californie devenant bientôt un État démocrate à parti unique.

Le paysage politique transformé de la Californie peut être illustré par un seul exemple. À la fin de 1994, j’ai été l’un des conférenciers de premier plan lors d’un rassemblement de 70 000 personnes contre la proposition 187 tenu à Los Angeles, la plus grande manifestation pro-immigrés de l’histoire américaine. L’événement avait été organisé par un militant local des droits des immigrés, Juan José Guttierez, et son jeune assistant latino, alors à peine sorti de l’université, tout en recevant apparemment peu de soutien des élus hispaniques plutôt timorés de l’État.

Quelques années plus tard, ce jeune assistant, Kevin de Leon, entra lui-même en politique. Peu à peu, il a gravi les échelons et a récemment occupé le poste de président du Sénat de l’État et, en novembre dernier, il a obtenu plus de 45 % des voix dans sa contestation infructueuse à la candidature face à la sénatrice en exercice Dianne Feinstein, 85 ans, qui avait occupé un poste public presque plus longtemps que la durée de vie de son rival. Comme je l’ai parfois fait en plaisantant avec les journalistes au fil des ans, De Leon semble avoir fait beaucoup mieux sur le plan politique au cours des 25 dernières années que le gouverneur Wilson ou le Parti républicain de Californie.

En partie parce que les républicains californiens ont échoué si rapidement dans leur tentative politique de capitaliser sur le sentiment anti-immigration, presque aucun dommage durable n’a été fait aux relations entre les immigrants blancs et non blancs, qui sont rapidement revenus à l’état amical dont les deux groupes avaient auparavant bénéficié. En effet, en l’espace d’une décennie, les sentiments anti-immigrants avaient atteint des niveaux insignifiants, même au sein du parti républicain, majoritairement blanc et conservateur, et encore moins parmi les démocrates fortement non-blancs. Il y a quelques années, j’ai longuement discuté de ce résultat politique heureux.

Un facteur important qui a contribué à cette réconciliation ethnique rapide a été le succès de ma propre campagne de 1998 visant à démanteler ce système d’« éducation bilingue » désastreux par le biais d’un scrutin. Ma mesure exigeait que tous les jeunes enfants apprennent l’anglais dans les écoles publiques, et elle a connu un énorme glissement de terrain malgré l’opposition publique de presque tous les éléments politiques établis de l’État et les dépenses massives en publicité. Bien que pour des raisons évidentes, presque toutes les familles d’immigrés aient toujours voulu que leurs enfants apprennent l’anglais, de nombreux Blancs profondément soupçonneux n’en étaient pas conscients depuis longtemps, craignant au contraire que les Hispaniques préfèrent les écoles de langue espagnole. Mais une fois que l’énorme couverture médiatique entourant l’initiative a fait connaître la vérité, de nombreuses sources de tension entre les immigrants et les personnes nées au pays se sont évanouies. Je pense que le résultat final pour la société californienne est mieux illustré par une publicité radio amusante d’AT&T qui a traversé l’État il y a quelques années.

La Californie ayant toujours été le centre du mouvement américain d’éducation bilingue, l’élimination de ces programmes les a mis sur la voie de l’oubli ailleurs également, surtout une fois que le New York Times, la New Republic et le reste des médias grand public ont documenté l’énorme succès de ces réformes éducatives et le soutien important qu’elles ont suscité au sein de la communauté immigrante.

Pendant des décennies, ces programmes bilingues désastreux avaient eu un impact considérable sur l’éducation de plusieurs millions d’étudiants hispaniques, qui se profilaient à l’horizon sur la scène politique nationale, mais leur effondrement et leur disparition ont été si rapides et complets que je soupçonne que peu de jeunes Américains aujourd’hui savent même qu’ils ont jamais existé. Je ne sais pas non plus si la jeune génération d’immigrants californiens est plus que vaguement consciente des luttes politiques féroces qui ont secoué l’État dans les années 1990.

Étant donné qu’une fraction aussi importante de la population hispanique et immigrante de l’Amérique réside en Californie, leurs excellentes relations avec leurs concitoyens blancs et nés aux États-Unis constituent un modèle très positif pour le reste du pays. Trump avait fait de l’immigration un élément central de sa campagne de 2016, mais ce thème est resté totalement inchangé dans l’État américain le plus fortement sujet à l’immigration, les Californiens blancs soutenant Trump à un taux de 20-25 points inférieur à celui des blancs du reste du pays. En effet, si l’ensemble de l’électorat national blanc avait voté comme son homologue de l’État doré, Trump aurait perdu les cinquante États, la plupart du temps par d’énormes glissements de terrain, subissant de loin la plus grande catastrophe électorale de l’histoire américaine. Tous les experts le haïssant auraient passé la nuit des élections à rire et à dire : « Je te l’avais dit ! ».

Ces sentiments californiens ne semblent pas uniques. Le Texas est notre deuxième plus grand État et a suivi une trajectoire démographique similaire à celle de la Californie. Les Blancs y sont devenu minoritaires, ils seront bientôt dépassés par une population hispanique en croissance rapide. Mais bien que le Texas soit aussi conservateur que la Californie est libérale, les Blancs et les Hispaniques semblent aussi bien s’entendre, et le soutien enthousiaste de ces derniers à O’Rourke contre son adversaire espagnol ne suggère guère un chauvinisme ethnique profond. La Floride, New York et l’Illinois contiennent également de très grandes concentrations d’Hispaniques et d’immigrants, qui, une fois de plus, semblent avoir de très bonnes relations avec leurs voisins blancs. Étant donné qu’une si grande partie de notre population immigrante vit dans des États où la rancœur nativiste est si négligeable, la probabilité que la controverse actuelle en matière d’immigration au niveau national ait des conséquences négatives à long terme me semble très faible.

La plupart des observateurs conviendront que pendant de nombreuses années, Jeff Sessions, de l’Alabama, en tant que sénateur et plus récemment en tant que procureur général de Trump, a été la figure politique américaine la plus en vue des sentiments anti-immigration. Mais peu semblent avoir remarqué l’étrangeté du fait que Sessions ait vécu toute sa vie dans un État ne contenant qu’une poignée d’immigrants ou d’hispaniques, ce qui suggère fortement que toute sa connaissance de ce sujet complexe vient de sources secondaires, peut-être celles ayant un parti pris idéologique aigu. Aurions-nous vraiment tendance à faire confiance à l’expertise d’un dirigeant politique du Vermont, État blanc comme le muguet lorsqu’il s’agit de régler les difficiles relations entre noirs et blancs dans un État du Sud profond comme le Mississippi ?

Il y a quelques mois, quelqu’un m’a signalé un long article dans le Sunday New York Times de Richard Kahlenberg, un libéral modéré qui a passé les vingt dernières années à la Century Foundation. Kahlenberg a fait valoir que pour combler l’énorme fossé ethnique et idéologique qui sépare notre pays, il fallait désespérément une personnalité de type Robert Kennedy, qui avait fait preuve d’une remarquable capacité d’unification il y a un demi-siècle, avant que sa campagne présidentielle ne soit tragiquement écourtée par une balle assassine. Mais bien que j’ai aimé l’article, j’ai souligné que la situation politique de la Californie était tout à fait différente, n’ayant absolument aucune division politique qui exige un quelconque pont. La politique de notre État était devenue extrêmement fade et ennuyeuse, et j’ai cité un bon article décrivant la course acharnée au poste de procureur général de l’État, dans lequel les accusations et les contre-accusations étaient si ennuyeuses et superficielles que les yeux m’en tombaient.

Au cours des deux dernières années, la société américaine a connu une longue série d’étranges protestations de type révolution culturelle chinoise contre des figures de notre passé, aujourd’hui dénoncées comme « symboles racistes », avec des bâtiments rebaptisés et des foules de gauchistes attaquant des statues publiques. Bien que les monuments associés à la Confédération aient été les principales cibles, ces attaques se sont souvent étendues à l’extérieur du Sud et même d’anciens présidents comme Woodrow Wilson, Thomas Jefferson, Abraham Lincoln et William McKinley sont parfois devenus des cibles, de même que l’auteur de la Bannière Étoilée et le fondateur de la gynécologie moderne. À titre d’exemple extrême, le candidat noir défait au poste de gouverneur en Géorgie avait, comme État islamique, réclamé la destruction du gigantesque monument commémoratif de Stone Mountain, un monument national figurant sur un timbre-poste des États-Unis de 1970.

La Californie ultra-libérale n’a guère été épargnée par de telles protestations, avec une poignée d’obscurs édifices mémoriaux à Robert E. Lee ou à d’autres figures confédérées, ainsi qu’une statue ou deux en hommage à Christophe Colomb. À Palo Alto, un immigré suédois zélote du politiquement correct a lancé avec succès une campagne pour rebaptiser deux écoles secondaires de Palo Alto parce qu’elles honoraient des personnalités académiques de premier plan d’il y a un siècle, connues pour avoir préconisé l’eugénisme, même si ces mêmes accusations pourraient être portées contre la plupart des autres grands intellectuels américains de cette même époque.

Mais bien que la Californie ait été prise au Mexique au cours d’une guerre controversée du XIXe siècle, aucune protestation n’a été signalée à l’encontre des diverses statues et monuments érigés en l’honneur des dirigeants associés à cette action militaire ou des dirigeants américains qui ont suivi. Ironiquement, plusieurs controverses très médiatisées ont plutôt visé des symboles du passé mexicain de la Californie, en particulier le Père Junipero Serra, le fondateur récemment sacré de la Californie espagnole. Dénoncé par les gauchistes pour sa cruauté présumée envers les Indiens, Serra a vu son nom enlevé de plusieurs bâtiments de l’Université de Stanford. Pendant ce temps, les nombreux et éminents responsables hispaniques de la Californie ridiculiseraient et condamneraient certainement toute attaque similaire contre l’héritage anglo-saxon passé de l’État.

Ces dernières années, des activistes blancs découragés ont parfois déploré que la transformation raciale de l’Amérique soit devenue irréversible et que notre pays, autrefois majoritairement blanc, se dirige inévitablement vers un avenir brésilien, avec une énorme criminalité, de la corruption et le désordre politique qu’une telle société entraîne. Mais je suis très sceptique face à ces affirmations. Au cours du dernier demi-siècle, la population blanche européenne de la Californie est passée de près de 85 % du total à un peu plus de 30 %, bien en deçà de celle du Brésil, mais aucun de ces terribles maux sociaux ne semble s’être produit. Notre assemblée législative ultra-libérale a récemment interdit les pailles de plastique pour des raisons environnementales, mais ces absurdités semblent plus typiques de Burlington que de la politique sanglante des favelas des ghettos de Sao Paolo.

Un problème répandu est que la plupart d’entre nous puisent notre connaissance du monde extérieur dans les médias, et l’image de la réalité donnée par les commentateurs conservateurs de Fox News est généralement aussi déformée et irréaliste que celle de leurs homologues libéraux des grands médias. En janvier dernier, la législature a fait de la Californie un « État sanctuaire » en adoptant diverses lois pour protéger les immigrants illégaux contre la menace d’une déportation fédérale. Le président Trump a immédiatement dénoncé cette politique avec la plus grande fermeté, avertissant que les niveaux effroyables de criminalité immigrée qui en résulteraient mettraient certainement l’État à genoux. Mais lorsqu’une correspondante de Hannity a interrogé des Californiens locaux au sujet de cette nouvelle politique supposément très controversée, elle a été consternée de découvrir que presque tous la soutenaient nonchalamment.

Plus récemment, le « Sacramento Bee » a publié une caricature politique plutôt amusante qui semble décrire correctement la divergence entre la vie réelle en Californie et la façon dont les choses sont décrites sur Fox News.

Évidemment, ceux qui sont idéologiquement engagés dans une perspective différente traiteront mes revendications avec un scepticisme extrême. Mais ils devraient examiner attentivement certaines preuves à l’appui.

Considérez que le blogueur Steve Sailer est originaire de Californie et qu’il est retourné vivre dans sa ville natale de Los Angeles il y a environ vingt ans. Pendant son enfance, cette ville était l’une des plus blanches d’Amérique, mais au cours des deux dernières décennies, la population est devenu à moitié hispanique, les Européens blancs ne représentant probablement pas plus de 20% de la population totale. Les sujets à caractère racial ou idéologique sont au centre de ses préoccupations, en particulier ceux qui ont trait à la politique. Mais bien que ses articles traitent régulièrement de toutes sortes de controverses nationales, ces dernières années, il n’a que très rarement écrit sur la politique de Los Angeles ou sur les questions californiennes en général. En fait, quelqu’un qui aurait lu son blog au cours de la dernière décennie n’aurait presque jamais été au courant des nombreuses campagnes électorales de l’État et de la ville qui ont coûté tant de centaines de millions de dollars en publicité et qui couvrent les ondes de sa propre maison. La raison évidente de son silence remarquable est que presque tous ces candidats et campagnes politiques étaient si insipides et ennuyeux qu’il n’y avait presque jamais rien d’intéressant à dire sur eux. De nos jours, Los Angeles n’est tout simplement pas une ville très « excitante » à vivre ou à écrire. En revanche, le Brésil est un pays extrêmement « passionnant », et s’il y vivait, son blog serait sûrement submergé d’histoires locales.

Curieusement, Los Angeles et la Californie avaient connu, il y a des décennies, une « excitation » beaucoup plus négative, alors que tous deux étaient encore majoritairement blancs. Bien que la Californie du Sud ait été largement considérée comme un véritable paradis américain dans les années 1950 et au début des années 1960, plusieurs décennies tumultueuses s’ensuivirent, comprenant les émeutes de Watts, les quelque deux cents meurtres raciaux des Zèbres à San Francisco et dans tout l’État, les meurtres de Manson, les Black Panthers, la Symbionese Liberation Army, les taux de criminalité urbaine extrêmement élevés à partir des années 1980, les émeutes de LA et les troubles racistes amers des années 1990. Pendant la majeure partie de la seconde moitié du XXe siècle, notre État a été connu pour sa politique bizarre et souvent dangereuse, avec l’assassinat en 1978 d’un membre du Congrès de la région de San Francisco dans l’immense massacre de Jonestown, suivi une semaine plus tard par l’assassinat du maire de cette même ville par un ancien chef conservateur. Pourtant, à mesure que la part des Blancs dans la population diminuait, toute cette agitation et cette controverse a semblé s’estomper, une tendance exactement contraire à ce que les activistes blancs craintifs auraient pu normalement prédire.

Certes, nombre des exemples cités plus haut, tels que les émeutes urbaines meurtrières et les meurtres des zèbres, étaient directement liés à la population noire de l’État. Mais la Californie a toujours eu de loin la plus petite population noire de tous les grands États, et cette fraction a diminué de moins d’un point de pourcentage au cours des cinquante dernières années. Les changements démographiques des Noirs ne peuvent donc pas être responsables. Cependant, aujourd’hui, 60 % de la population de l’État n’est ni noire ni blanche, et cette majorité a peut-être eu un effet tampon salutaire sur la version locale de l’éternel conflit racial noir et blanc de l’Amérique.

La Californie connaît encore de très graves problèmes à long terme, bien au-delà des incendies de forêt mortels qui ravagent actuellement certaines parties de l’État, mais peu d’entre eux semblent liés à des conflits raciaux ou idéologiques aigus. La principale préoccupation est probablement le coût extrêmement élevé du logement, et une fois ces énormes dépenses dûment prises en compte, le taux de pauvreté de l’État qui en résulte est l’un des plus élevés du pays. L’ère de l’après-guerre froide du début des années 1990 a vu la disparition de l’énorme industrie aérospatiale du sud de la Californie, qui avait traditionnellement été la principale source d’emplois bien rémunérés de la classe moyenne, et bien que le boom technologique actuel ait créé une richesse énorme, presque tout cela a été concentré dans une partie de la population, donnant à la Californie une des distributions des revenus la plus inégalitaire des États-Unis. Certains de ces problèmes de pauvreté sont progressivement atténués par la promulgation, en 2015, d’une augmentation considérable du salaire minimum à l’échelle de l’État, qui atteindra 15 $ l’heure d’ici 2023, un mouvement politique que je suis fier d’avoir encouragé, mais dont les effets sont graduels.

Il semble indéniable que la plupart de ces grands problèmes californiens sont étroitement liés au doublement de la population de l’État depuis la fin des années 1960, et presque toute cette énorme augmentation est due à une immigration étrangère très forte. Une telle croissance rapide de la population profite naturellement au capital au détriment du travail, de sorte que les changements qui en résultent ont à la fois augmenté les coûts de logement et abaissé les salaires des travailleurs. Il y a également eu une forte réduction de la qualité de vie, car de plus en plus de résidents ont été poussés vers les parties les moins désirables de l’État, comme les comtés de Riverside et de San Bernardino, un Empire intérieur baignant dans le smog et exigeant souvent d’horribles déplacements vers Los Angeles. Même la récente série d’incendies de forêt n’est peut-être pas entièrement étrangère à la croissance des banlieues, ce qui met davantage de zones en danger et crée de nouveaux problèmes d’État sur l’approvisionnement en eau en raison d’une consommation accrue. Mais la plupart de ces mêmes problèmes se seraient produits si les millions de nouveaux arrivants avaient été blancs plutôt qu’hispaniques ou asiatiques.

Le mode de vie californien riche et extrêmement agréable de l’après-guerre était largement reconnu dans toute l’Amérique et agissait naturellement comme un attrait magnétique, avec pour conséquence les premières étapes de la croissance démographique très rapide de l’État. Mais plus récemment, les effets néfastes de la congestion de la circulation, des options de logement épouvantables et de la concurrence acharnée au bas de l’échelle avaient considérablement réduit les attraits de l’État. La croissance s’est fortement ralentie, même si cela s’explique en partie par le fait que l’afflux continu d’immigrants s’est accompagné d’un exode simultané des résidents actuels.

Évidemment, à un moment donné, une combinaison de surpeuplement grave, de logements inabordables et d’appauvrissement général des travailleurs réduira suffisamment l’attrait de notre société pour que l’afflux continu d’immigrants se réduise à un simple ruissellement, mais cela ne semble guère la meilleure solution à nos problèmes, tant en Californie que dans les autres États suivant le même chemin. Entre-temps, notre Congrès dans l’impasse n’a pas réussi à promulguer une législation importante en matière d’immigration depuis plus d’un quart de siècle, et les relations extrêmement rancunières entre la Maison-Blanche de Trump et la nouvelle Chambre gagnée par les démocrates ne laissent guère présager un changement prochain. En conséquence, Trump et Obama ont été contraints de publier des décrets exécutifs d’une nature juridique extrêmement douteuse, qu’il s’agisse d’accorder un statut de protection temporaire aux immigrants illégaux, les « Dreamers » ou de promettre maintenant de rejeter automatiquement toutes les demandes de réfugiés le long de notre frontière sud. L’écart entre les forces pro- et anti-immigration semble absolument infranchissable et risque de persister indéfiniment, même si les deux parties demeurent extrêmement insatisfaites du statu quo.

Toutefois, comme je l’ai soutenu il y a quelques années, la croyance répandue selon laquelle nos problèmes d’immigration sont insolubles est fondée sur une très grave incompréhension des éléments en jeu. Tant les médias que les participants considèrent le conflit politique comme un conflit entre deux parties, mais c’est une erreur. Il y a en fait trois factions politiques : les démocrates pro-immigrants, les républicains pro-immigrants et les républicains anti-immigrants. Tous les efforts infructueux du Congrès au cours des deux dernières décennies ont impliqué une alliance des deux premiers groupes qui n’a pas réussi à surmonter l’opposition du troisième, et comme Trump a énormément augmenté la puissance de la dernière faction, il n’y a aucune perspective de changement dans cette situation.

Mais un examen attentif révélera que les principaux objectifs des premier et troisième groupes – les démocrates pro-immigration et les républicains anti-immigration – ne sont en fait pas directement en conflit et que s’ils formaient une alliance politique, ils pourraient facilement formuler une législation acceptable pour les deux groupes qui pourrait avoir une excellente chance d’être adoptée par les deux chambres du Congrès et promulguée par le Président. Bien que j’aie publié mon analyse de cette solution plusieurs semaines avant la victoire bouleversante de Trump en 2016, je pense qu’elle est tout aussi correcte et pertinente aujourd’hui, et peut-être d’autant plus que les résultats des élections de novembre ont produit un Congrès divisé, fermant la porte à d’autres options.

Un « grand deal » sur la réforme de l’immigration ?
Une alliance de démocrates pro-immigrés et de républicains anti-immigrés pourrait enfin réparer notre système brisé.
RON UNZ – OCTOBER 3, 2016 – 4,700 WORDS
Note du Saker Francophone

Décidément ce Ron Unz est vraiment ouvert au débat car il publie des articles politiquement incorrects tout en argumentant favorablement sur l'immigration. Son argumentaire manque seulement de profondeur, se limitant à cataloguer globalement les Républicains comme anti-immigrés sans entrer dans le détail ni prendre en compte le débat sur les identités à long terme, et sans évoquer les réelles intentions nationalistes de certaines élites mexicaines, voire du peuple. Mais la Californie reste objectivement un succès des idées multiculturelles.
Traduit par Hervé pour le Saker Francophone

 

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