La lutte contre la corruption en Chine


Par Godfree Roberts – Le 26 septembre 2019 – Source Unz Review

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Partout, depuis l’Antiquité, les gens craignent la corruption gouvernementale car, contrairement à la guerre ou à la fraude, les politiques corrompues paralysent les nations depuis des siècles. Aucune société n’a souffert autant que les Chinois d’une longue guerre contre la corruption officielle, ni n’a mené une guerre plus dure. Aujourd’hui cependant, même si l’histoire n’est pas terminée, elle s’approche d’un objectif qui pourrait donner envie au reste du monde et, comme la plupart des histoires chinoises, la leur est longue.

La corruption, qu’elle soit sporadique, pécuniaire, flagrante, discrète, majeure ou mineure, subvertit les gouvernements depuis qu’ils existent. Les politiciens romains étaient scandaleusement corrompus, le christianisme n’a pas réussi à les améliorer, et leur héritage d’impunité officielle, de corruption, de trafic d’influence, de favoritisme, de népotisme et de copinage, de fraude électorale, de détournement de fonds, de pots-de-vin, d’alliances contre nature et de participation au crime organisé nous accable et nous paralyse encore aujourd’hui.

La Chine, en revanche, a souvent bénéficié de gouvernements honnêtes et les fonctionnaires honnêtes sont chers aux cœurs des chinois depuis des millénaires. Le 5 mai 278 av. J.-C., après que le roi de Chu eut ignoré ses avertissements au sujet de la corruption officielle, le ministre d’État Qu Yuan 1 se noya dans la rivière Miluo en signe de protestation. Depuis ce jour-là, des bateaux-dragons fêtent la recherche de son corps. Les grands confucéens comme l’empereur Hongwu 2 ont combattu la corruption sans relâche :

Si j'avais complètement éradiqué les fonctionnaires corrompus en plus de ceux déjà emprisonnés, j'aurais eu affaire à deux mille hommes de deux préfectures seulement, des hommes sans occupation utile qui ont utilisé mon prestige pour opprimer les gens. Personne à l'extérieur du gouvernement ne savait à quel point ils étaient pourris, alors tout le monde disait que mes punitions étaient sévères, car ils ne voyaient que la sévérité de la loi et ne savaient pas que ces pourris avaient utilisé la bonne réputation du gouvernement pour se livrer à de mauvaises pratiques. Le matin, j'en punissais quelques-uns et, le soir, d'autres avaient commis les mêmes crimes. Je punissais ceux-là le soir même et le lendemain matin, il y a eu d'autres violations ! Les cadavres des premiers n'étaient pas encore enlevés que d'autres étaient déjà alignés pour suivre leur chemin, jour et nuit ! Plus la punition est sévère, plus il y a de violations. Je ne savais pas quoi faire, mais je ne pouvais pas me reposer. Si j'étais clément, la loi devenait inefficace, l'ordre se détériorait, les gens me croyaient faible et se livraient à des pratiques encore plus mauvaises. Si je les punissais, les autres me considéraient comme un tyran. Comment peut-on mener une vie paisible dans de telles circonstances ? Vraiment, ma situation était épouvantable.

Les confucéens combattaient la corruption plus efficacement que les Romains, en partie grâce à la participation du public. Le peuple conserva le droit de retirer le Mandat du Ciel – et, selon la Constitution, c’est encore le cas – et de nombreux gouvernements ont connu des fins effroyables en ne respectant pas les Quatre Principes – la propriété, la justice, l’honnêteté et l’honneur – ou si leurs fonctionnaires manquaient des huit vertus – loyauté, piété filiale, bienfaisance, amour, intégrité, justice, harmonie et paix.

punition corruption

Dès les premiers jours, on interdisait aux fonctionnaires transférés dans les provinces d’amener leurs parents de peur que leurs besoins ne soient en conflit avec ceux de l’Empereur. Ils étaient soumis à une rotation tous les trois ans et, après chaque rotation, leurs successeurs étaient encouragés à signaler les écarts par crainte d’être accusés à leur place. Les fonctionnaires du palais étaient régulièrement transférés d’un département à l’autre et les personnes gravement corrompues étaient étranglées et leurs familles vendues en esclavage.

Tous les Chinois, qu’il s’agisse d’humbles agriculteurs ou d’éminents politiciens, connaissent cette histoire et comprennent que la promotion d’hommes honnêtes à la direction est le moyen de prévenir la corruption. Beaucoup de personnes encore vivantes ont vu comment un siècle de chaos a dévasté la moralité publique, comme Mao l’observait lors d’une campagne anti-corruption en 1950 : “Aujourd’hui, on peut acheter un secrétaire de département pour quelques paquets de cigarettes, sans parler de le marier à une de vos filles”. Le slogan de Mao, “Les masses ont les yeux tranchants”, encourageait les gens à dénoncer les actes répréhensibles et la corruption a chuté de façon spectaculaire. Son insistance à ne faire honte qu’aux fonctionnaires corrompus a fonctionné parce que, selon Sydney Rittenberg 3, “Personne ne fermait sa porte. Les banques – il y avait une succursale bancaire locale à de nombreux coins de rue – avaient leur porte grande ouverte, la monnaie était empilée sur la table à la vue de tout le monde, il n’y avait pas de gardes et il n’y avait jamais de braquage de banque”.

Comme le montrent ses progrès, la Chine de l’après-guerre était exempte de corruption au niveau de l’élaboration des politiques, par contre, surtout pendant les quarante années de réforme et d’ouverture, la corruption à un niveau inférieur a prospéré. Anticipant cela, en 1980, les planificateurs ont remanié les incitations des fonctionnaires pour qu’ils soient effectivement récompensés d’avoir accéléré l’exécution du plan, explique Yukon Huang 4, “Le système a contré les aspects de la corruption qui inhibaient la croissance en fixant des objectifs d’investissement et de production qui incitaient les fonctionnaires locaux à favoriser l’expansion. Cela a favorisé les objectifs de sorte que, même lorsque la corruption prospérait, les collaborateurs faisaient tout de même de la croissance le principe directeur de leurs actions. Cette situation a été renforcée par la concurrence entre les localités pour atteindre les objectifs et soutenir les réformes économiques visant à améliorer la productivité. L’élément concurrentiel a contribué à réduire les déchets et à assurer un minimum d’efficacité malgré le degré élevé d’intervention de l’État dans les activités commerciales.” Mais parfois, comme tout au long de l’histoire chinoise, les choses dérapaient.

En 1999, Pékin a secrètement envoyé des détectives au port de Xiamen, à la suite d’informations sur la contrebande, mais les contrebandiers ont mis le feu à l’hôtel où logeaient les enquêteurs et les ont tués pendant leur sommeil. Le lendemain, à la télévision nationale, le premier ministre Zhu Rongji a déclaré la guerre et commandé cent cercueils, “Quatre-vingt-dix-neuf pour les escrocs et un pour moi.” Des détectives de tout le pays ont convergé vers la ville et ce qu’ils ont trouvé les a stupéfaits : quatre millions de tonnes de carburant diesel importé avaient contourné les douanes en seulement deux ans. Ils ont traqué des centaines de suspects, enfermé des évadés dans un hôtel local avec des gardes armés à chaque étage et passé trois ans à élucider une affaire si complexe que les dossiers des douanes étaient à eux seuls supérieurs à un immeuble de dix étages. Le gang avait soudoyé le vice-ministre de la Sécurité publique, Li Jizhou, par l’intermédiaire de sa femme et de sa fille, et Li et treize autres personnes ont été condamnés à mort, sa femme à trente mois de prison et trois cents fonctionnaires ont été jugés pour avoir aidé ou encouragé les criminels. Le chef de file, Lai Changxing, un fermier devenu contrebandier, s’est enfui au Canada, a été extradé et emprisonné à vie en 2009.

Après dix ans de liberté économique, l’économie fut en plein essor, mais les critiques se plaignaient encore de la corruption endémique, oubliant que le cycle d’alternance de politiques libérales et conservatrices est aussi vieux et prévisible que la lune. La croissance rapide avait résolu de nombreux problèmes, mais un nouveau cycle était annoncé par un scandale de népotisme, une forme de corruption à laquelle la Chine, centrée sur la famille, est particulièrement vulnérable. L’empereur han, Wu, a freiné le népotisme en examinant, au IIe siècle av. J.-C. et seize siècles plus tard, deux cent soixante-dix-neuf hauts fonctionnaires dont les antécédents familiaux étaient connus 5, moins de la moitié avaient des aïeux au gouvernement (en 2018, c’est un sixième).

En 1985, Bo Xilai, fils d’un Immortel révolutionnaire et camarade de classe de Xi Jinping, a ignoré les appels de son père à rester en dehors de la politique : “Vous ne savez rien des souffrances des gens ordinaires et vous voulez simplement profiter de mon nom”. Xilai a cultivé une image charismatique, a été nommé l’une des personnes les plus influentes par The Times, est rapidement devenu gouverneur provincial et a fait campagne publiquement pour un poste ministériel. Mais, comme le disait à l’époque Cheng Li, un érudit conservateur, “personne ne lui fait vraiment confiance. Beaucoup de gens ont peur de lui, y compris plusieurs princes rouges [des enfants de membres haut placés du Parti Communiste Chinois, NdT] qui sont censés être sa base de pouvoir.” Michael Wines a écrit que, bien qu’il possédait un charisme prodigieux et une intelligence profonde, “il possédait une indifférence travaillée pour les vies brisées qui ont jonché son chemin vers le pouvoir… l’impitoyabilité de M. Bo était réputée.” Avec l’aide du ministre de la Justice Zhou Yongkang, Bo avait même mis sur écoute le président Hu.

Malgré une résistance interne considérable, la vice-premier ministre Wu Yi, la plus haute femme de l’administration du pays, a exigé une enquête ouverte et, en 2012, un procès a révélé que Bo possédait des propriétés coûteuses dans le monde entier et que sa femme avait tué un agent britannique. Ils ont été emprisonnés à vie et ont rejoint une longue lignée d’élites déshonorées comme le petit-fils du chef de l’État chinois et fondateur de l’Armée rouge, Zhu De, qui a été exécuté pour viol, et Yan Jianhong, épouse du puissant secrétaire du parti Guizhou, qui a été exécutée pour corruption.

Avec la prospérité au rendez-vous et la corruption de l’élite combattue, le Congrès a élu Xi Jinping, le fonctionnaire le plus honnête et le plus compétent de sa génération, pour succéder au président Hu. Au cours de sa première année d’existence, la campagne de lutte contre la corruption de Xi a vu dix mille fonctionnaires passer à la trappe pour avoir dissimulé des informations et cent trente mille personnes ont été rétrogradées ou sanctionnées pour avoir fait de fausses déclarations. En 2016, les procureurs avaient inculpé de corruption soixante-trois hauts fonctionnaires et ministres, libéré les aveux de cinquante-sept mille membres du Parti qui ont restitué leurs vols et accepté des rétrogradations, et condamné à mort le secrétaire corrompu du Parti du Yunnan, Bai Enpei. En 2018, les escouades de lutte contre la corruption avaient enquêté sur 1,3 million de bureaucrates, déposé un million d’actions en justice, publié cent mille actes d’accusation, capturé des milliers de fugitifs à l’étranger et emprisonné ou exécuté cent vingt hauts responsables – dont cinq dirigeants nationaux, douze généraux, une dizaine de PDG et Sun Zhengcai, ancien chef du parti Chongqing, condamné à la prison à vie pour corruption massive. Après qu’une explosion industrielle survenue à Tianjin en 2019 ait tué cent soixante-cinq personnes, le magistrat qui a constaté que la petite corruption avait conduit à une faible application du code, a condamné le fonctionnaire responsable à mort et a emprisonné quarante-neuf de ses collègues.

Les inspections inopinées lancées par les inspecteurs anti corruption ressemblent maintenant aux contrôles antidopage des athlètes d’élite. Une équipe d’inspection de l’Anhui a téléphoné quatre fois à un fonctionnaire entre 19 h 31 et 19 h 35, un soir, au sujet de ses efforts de lutte contre la pauvreté. Il prenait une douche et, comme il ne répondait pas, ils l’ont dénoncé pour obstruction et ont demandé à le congédier. Heureusement, grâce aux médias sociaux, le public est venu à sa défense et il a été disculpé.

Sachant que 10 % de leurs déclarations feront l’objet d’une vérification, même les fonctionnaires adjoints de comté déclarent maintenant leur état matrimonial, leurs voyages à l’étranger, leur casier judiciaire, leur salaire, leurs autres revenus, leurs biens familiaux, leurs actions, leurs fonds, leur assurance et leurs placements. S’ils refusent de répondre aux questions, ou s’ils sont de connivence avec des complices ou les protègent, ils sont détenus immédiatement.

Les bureaucrates, en particulier les ambitieux, font l’objet d’un examen de plus en plus minutieux à mesure qu’ils avancent, explique Zhao Bing Bing 6 : “Les critères de sélection sont : une personne doit posséder à la fois des aptitudes et une intégrité morale et cette dernière doit être prioritaire”. Les fonctionnaires de rang intermédiaire doivent déclarer leurs propres biens et ceux de leurs parents, de leurs épouses, de leurs enfants, de leurs conjoints et cousins, des enfants issus de mariages antérieurs, des enfants nés hors mariage et des enfants en famille d’accueil. Ils doivent déclarer leurs revenus, leurs économies, leurs biens immobiliers, leurs portefeuilles d’actions, leurs polices d’assurance, leurs fonds communs de placement, leurs obligations, leurs actifs dans des comptes à l’étranger et “les revenus comprennent le salaire et les diverses primes, allocations, subventions et paiements que vous recevez de conférences, de rédaction, de consultation, de révision, de peinture et de calligraphie”. explique un descendant d’une famille importante :

Je suis membre du Parti en Chine et toute ma famille est membre du Parti. Ce que je pense de Xi, c'est que la vie a vraiment changé après son arrivée au pouvoir. Un de mes proches travaille pour le gouvernement en tant que gouverneur dans ma ville, Chengdu (qui est une grande ville comme Beijing ou Shanghai), alors mes proches et moi faisions partie de la hiérarchie privilégiée. On ne payait rien quand on sortait dîner, c'est le Parti qui payait. Nous ne payions rien pour faire le plein d’essence, le Parti payait. Il semble que nous n'avions pas besoin de payer quoi que ce soit avec nos salaires, parce que soit le Parti payait, soit quelqu'un allait payer pour nous (pour nous flatter). Je fumais ce qu’il y avait de mieux, je buvais le meilleur, parfois même je conduisais sans permis quand j'étais ivre, parce que je ne craignais personne.

Dans le passé, oui, nous avions des privilèges partout, et c’est vrai que je me sentais si arrogant d'être supérieur aux autres. Mais le problème, c'est que c’était donnant donnant. Nous avons dû boire beaucoup d'alcool pour montrer du respect aux autres, nous avons dû accepter des pots-de-vin même si nous savions que c'était risqué, parce que nous devions considérer notre clan (et l'intérêt de mon patron). Nous avons dû faire beaucoup de choses que nous ne voulions pas faire, mais telle était la règle de vie au Parti, nous nous souciions plus de l'intérêt du Clan que du nôtre. C'est ce qui nous unissait. Nous subissions beaucoup de menaces de la part des gens du peuple, des collègues et des patrons. Nous ne pouvions pas garder nos propres passeports, le Parti les gardait pour empêcher toute fuite.

Mais la vie a changé après l'arrivée au pouvoir de Xi, il a fait de vraies choses pour la lutte contre la corruption. Personne n'ose offrir de cadeaux aux gouverneurs et l'utilisation abusive des fonds publics est strictement contrôlée. Le Parti a repris les voitures de fonction à ma famille et nous devons même payer nos frais de stationnement maintenant ! Mais... ma famille et moi en sommes heureux, nous sommes reconnaissants au Président Xi. Parce qu'il a l'air de mener la Chine vers un avenir plus sain. Mes proches n'ont pas besoin de sortir dîner avec d'autres gouverneurs, ils n'ont pas besoin d'avoir des rapports sociaux tous les jours, ils n'ont pas besoin de boire autant à table. Et ils commencent à apprendre à payer la facture à tour de rôle, parce que le Parti ne le fera plus à leur place. Ils commencent à apprendre à prendre le bus ou le métro. C'est bien, en fait. Les gens commencent à comprendre quel genre de mode de vie est appelé "sain", ils sont plus humains maintenant, et non plus des idiots prétentieux accrochés à leur pouvoir. C'est comme ça que notre vie a changé après l'arrivée de Xi.

La vie des ministres de haut rang est devenue d’une transparence extrême. Leurs activités privées sont passées au crible et leurs enfants doivent adopter des noms d’emprunt pour éviter qu’on ne les utilise. Leurs réunions doivent être accompagnées d’observateurs tiers, car les nominations individuelles sont considérées comme une preuve de manquement à la déontologie. Un dossier de dettes publiques excessives ou de mauvaise qualité est traité comme une preuve prima facie de corruption et fait automatiquement l’objet d’une enquête. Les hauts fonctionnaires font l’objet d’une vérification annuelle après leur départ à la retraite, demeurent responsables des conséquences de toutes leurs décisions jusqu’au jour de leur décès et, même alors, des dispositions de récupération de biens peuvent s’appliquer.

Xi a invité les amateurs de lutte contre la corruption à se joindre à la campagne et Pékin publie une feuille de score mensuelle. Les citoyens s’adressent au comité des règles et de la discipline (fondé sous la dynastie Tang) au numéro 12388 et affichent souvent des accusations et des photographies de preuves sur les médias sociaux en demandant des témoins supplémentaires. Les médias sociaux ont rendu les yeux du peuple plus aiguisés. Des citoyens du net, après avoir scruté une photo aux informations ont remarqué que le patron de la sécurité au travail de la province de Shaanxi souriait d’un large sourire alors qu’il évaluait l’épave tordue d’un autobus et d’un camion pétrolier à la suite d’un accident qui a fait 36 morts. Ils ont repéré sa montre de grande valeur et leur dénonciation a provoqué une enquête qui a expédié Yang Dacai, dit Brother Watch, en prison pour quatorze ans pour avoir accepté un million de dollars en pots-de-vin.

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De nos jours, les visiteurs brûlent de l’encens dans les sanctuaires des grands combattants de la corruption, la lutte contre la corruption officielle représente toujours la moitié de tous les feuilletons TV chinois, et des millions de téléspectateurs regardent les épisodes du “juge Bao” Zheng, l’incorruptible préfet de la capitale en l’an 1000 av. J.C.. Une autre série télévisée populaire, “Au nom du peuple”, dépeint les luttes de pouvoir actuelles au sein du parti dans la ville fictive de Jingzhou. Là-bas, un procureur et une poignée de fonctionnaires locaux honnêtes aident les travailleurs licenciés à protester contre un marché foncier corrompu, à déjouer les bureaucrates corrompus qui sabotent un mandat d’arrêt et à arrêter les faux policiers qui rasent les maisons des honnêtes citoyens. Les scénaristes de l’émission disent qu’ils ne manquent pas de matériel pour leur inspiration.

La campagne de lutte contre la corruption est extrêmement populaire et, à tout point de vue, couronnée de succès. En 2018, 83 % des Chinois déclaraient que le gouvernement dirigeait le pays dans l’intérêt de tous et 93 % disaient qu’ils lui faisaient confiance, chiffres qui rivalisent avec ceux de la Suisse et de la Finlande. Mais ce n’est qu’un prélude à ce qui sera probablement la contribution la plus mémorable de Xi à l’histoire chinoise, la création de la Commission de supervision Nationale 7.

Jusqu’en 2018, le travail de lutte contre la corruption était partagé par le Bureau national de prévention de la corruption, qui recommandait des politiques anticorruption et assurait la coordination internationale de la lutte contre la corruption. Le Parquet populaire suprême enquêtait sur divers types d’actes répréhensibles. La Commission centrale d’inspection disciplinaire imposait la loyauté envers le parti, la lutte contre la corruption, les exigences éthiques et de mode de vie parmi les fonctionnaires et les hauts fonctionnaires qui sont membres du parti, mais remettait les preuves criminelles à l’État pour qu’il engage des poursuites. Le Ministère du contrôle, le Ministère de la surveillance, le Ministère de la sécurité sociale, supervisaient les fonctionnaires qui n’étaient pas membres du Parti, enquêtaient sur les pots-de-vin, les détournements de fonds publics et d’autres violations liées à leur travail.

La Commission regroupe ces fonctions au sein d’une quatrième branche, indépendante du gouvernement, qui a le même rang que la Cour suprême et le ministère de la Justice. En tant qu’organisme le plus puissant au monde, il a recours à la législation, à la technologie numérique (y compris la reconnaissance faciale et l’intelligence artificielle), au regard aiguisé de la population et à de grands pouvoirs d’enquête. Dans le but de rendre la corruption impossible, elle centralise tous les processus de lutte contre la corruption et exerce son autorité sur tous les fonctionnaires à l’intérieur et à l’extérieur du Parti, le gouvernement, les congrès du peuple, les commissions locales de contrôle, les tribunaux populaires et le parquet, les huit partis démocratiques, les fédérations industrielles et commerciales et tous ceux qui travaillent ou sont consultants dans les organisations gérant les affaires publiques. Avec des pouvoirs étendus pour interroger, fouiller, mettre sur écoute, détenir des suspects et geler leurs avoirs, son mandat s’étend aux directeurs d’entreprises d’État, d’organismes publics d’éducation, scientifiques, de recherche, culturels, de soins de santé, sportifs et autres, de groupes de réflexion, de comités de résidents des villages et des villes et de “tout autre personne exerçant des fonctions publiques et supervisant les organismes anticorruption aux niveaux provincial, municipal et des districts”.

Le Congrès nomme les cadres supérieurs de la Commission et Yang Xiaodu, son premier directeur a été, comme Xi, un jeune qui a exercé un travail manuel dans la province d’Anhui pendant la Révolution culturelle. Le personnel n’a pas besoin d’être membre du Parti, mais il ne peut jamais travailler dans une autre branche du gouvernement pour le reste de sa vie. La Commission est un organe politique, et non administratif, et elle est exempte des contraintes procédurales et matérielles considérables qui pèsent sur les organes administratifs tels que la police. Bien que la loi exige de la commission qu’elle verse une indemnisation “conformément à la loi” en cas de violation des droits et intérêts légitimes des personnes, elle ne prévoit pas un droit de recours devant les tribunaux, mais autorise les suspects à faire appel aux organes supérieurs pour le réexamen des décisions de la Commission et à contester d’éventuels comportements illicites comme une détention prolongée.

Si la Commission arrive à son objectif de rendre la corruption impossible, les citoyens reconnaissants créditeront Confucius et le Premier Empereur d’avoir limité le pouvoir politique à une seule génération et de l’avoir confiné à ceux qui font preuve d’honnêteté et d’intelligence. Ils reconnaîtront à la dynastie actuelle le mérite d’avoir mis à l’épreuve les fonctionnaires et imposé une transparence extraordinaire, d’avoir eux-mêmes refusé de tolérer la corruption et remercieront Xi Jinping d’avoir créé l’organisme de lutte contre la corruption le plus puissant de l’histoire. Si l’on ne regarde que dix ans en arrière, il est difficile de croire que la non corruption en Chine est sur la bonne voie pour rivaliser avec celle de Singapour, d’ici 2021.

Godfree Roberts

Traduit par Wayan, relu par Kira pour le Saker Francophone

  1. Qu Yuan, 340-278 av. J.-C., était un fonctionnaire du royaume Chu et un ministre du gouvernement qui a écrit certains des plus grands poèmes de l’histoire chinoise.
  2. De Huáng-Míng Zǔxùn (Instructions de l’Ancêtre du l’auguste Ming), admonitions laissées à ses descendants par l’Empereur Hongwu Zhu Yuanzhang, fondateur de la dynastie Ming (1368 à 1644)
  3. An old friend of the party assesses China’s new leaders. Rob Schmitz. Marketplace. November 19, 2012
  4. Yukon Huang était l’administrateur de la Banque mondiale pour la Chine.
  5. China’s Meritocratic Examinations and the Ideal of Virtuous Talents. Xiao, H., & Li, C. (2013). In D. Bell & C. Li (Eds.), The East Asian Challenge for Democracy: Political Meritocracy in Comparative Perspective: Cambridge University Press
  6. Daniel Bell and Zhao Bing Bing, The China Model.
  7. La Commission de supervision nationale a été créée lors de la première session de la 13e Assemblée populaire nationale en 2018 et a absorbé la Commission centrale d’inspection disciplinaire du Parti communiste chinois.
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