La CIA a-t-elle saboté la Russie aux Jeux olympiques ?


Par Rick Sterling – Le 26 février 2018 – Source Oriental Review

L’équipe russe de curling Alexandre Kruchelnitsky et Anastasia Bryzgalova

Il y a quelque chose de très louche avec les violations des règles antidopage pour lesquelles le joueur de curling et la bobeuse russe ont été épinglés la dernière semaine des Jeux olympiques d’hiver de Peyongchang.

Il n’est pas logique qu’un athlète consomme une seule fois un produit chimique qui n’a aucune valeur dans des circonstances où il est presque certain d’être détecté, avec d’énormes conséquences négatives.

C’est précisément cela qui se passe. Alexandre Kruchelnitsky, médaille de bronze russe au curling mixte, a dû renoncer à sa médaille et à celle de son épouse et partenaire parce que des traces de meldonium ont été trouvées dans son échantillon d’urine. Le meldonium est un médicament qui aide à maintenir le cœur en bonne santé en augmentant le débit sanguin. Cela ne comporte aucun avantage dans un sport comme le curling qui requiert de l’exactitude, de la stratégie et de la concentration mais n’est pas contraignant physiquement. Le « balayage » pour aider à guider la pierre sur la glace ne dure que vingt secondes, ou moins. Les joueurs de curling internationaux ont été stupéfaits par la nouvelle et déconcertés par l’idée de prendre des médicaments pour améliorer la performance au curling. Le capitaine de l’équipe danoise de curling a déclaré :  « Je pense que la plupart des gens vont rire et demander : pourquoi avez-vous besoin de vous doper ? ».

Kruchelnitsky nie fermement prendre des drogues interdites. « Je suis catégoriquement opposé au dopage (…) Jamais, à aucun moment lorsque j’étais impliqué dans le sport, je n’ai usé de substances interdites. »

Il en va de même pour le second cas de violation des règles anti-dopage. La bobeuse russe Nadejda Sergueïeva a subi de nombreux tests négatifs (propres) avant d’être testée positive pour la trimétazidine, interdite. Le bob est encore un sport qui exige de l’habileté physique et mentale mais pas d’endurance physique.

Lors de la réunion du CIO du 25 février pour clore les Jeux d’hiver de Peyongchang, la présidente du groupe de mise en application du CIO, Nicole Hoevertz, a expliqué que les athlètes russes avaient été testés « plus que tout autre athlète ». Elle et son groupe étaient convaincus que les 168 membres de l’équipe russe étaient propres. À environ 82:00 dans la vidéo, elle dit que les deux violations russes de l’anti-dopage étaient « très particulières ». Elle a présenté le directeur médical et scientifique du CIO, Dr. Richard Budgett, pour plus de détails. Il a laissé entendre que le meldonium ne serait pas utile dans le curling. Il est ensuite allé plus loin et a suggéré que la violation des règles anti-dopage concernant la trimétazidine était peut-être une erreur. Il a expliqué que la trimétazidine « est une substance dans laquelle il y un composé mère, un traitement courant de la migraine, disponible en particulier en Chine et au Japon et, si on trouve cela, ce n’est pas considéré comme une violation des règles. Et si c’est à un niveau très bas, comme dans ce cas, c’est une possibilité ».

Sergueïva nie avoir jamais pris des drogues interdites et s’est même montrée sur les médias sociaux avec un T-shirt affirmant son engagement pour un sport propre.

La bobeuse russe Nadejda Sergueïeva

Qui en profite ?

Une autre possibilité est que de la poudre de meldonium ou de trimétazidine ait été subrepticement introduite dans la nourriture des athlètes. Cette consommation unique entraînerait un test positif.

En fait, il y a des forces sur la scène internationale qui sont ravies que la Russie se batte depuis deux ans contre la diffamation et l’accusation de « dopage parrainé par l’État ». Elles veulent que le dénigrement et les sanctions actuels à l’encontre de la Russie se poursuivent, ce qui pourrait peut-être influencer les prochaines élections nationales et compromettre l’accueil par la Russie de la Coupe du monde de football cet été.

L’un de ces groupes est la Central Intelligence Agency (CIA) américaine. La CIA a une longue histoire de petits et grands actes criminels. Il ne serait sans doute pas difficile pour elle d’infiltrer les installations olympiques ou de soudoyer un individu pour laisser des traces de meldonium ou d’une autre poudre dans la nourriture ou la boisson de quelqu’un.

Ceux qui ont rapidement rejeté cette possibilité pensaient probablement aussi que l’Irak détenait des armes de destruction massive en 2002. C’était une affirmation fausse étayée par une preuve fabriquée par la CIA.

Il est bien documenté que la CIA commet des assassinats, des coups d’État et des actes de sabotages majeurs. La CIA a répertorié certaines de ses méthodes dans The Official CIA Manual of Trickery and Deception (Le Manuel officiel de la CIA sur la tromperie et le mensonge). Elle ne se contente pas d’assassinats et de coups d’État. Dans le livre In Search of Enemies, l’ancien officier l’agence John Stockwell a raconté comment la CIA a inventé une fausse histoire sur les soldats cubains violant des femmes angolaises pour calomnier Cuba.

Des forces de police corrompues déposent parfois des preuves sur un suspect qu’elles souhaitent inculper. Ce pourrait être fondamentalement la même chose pour faire ingérer de la nourriture ou de la boisson dopée à un athlète russe.

La CIA a un mobile et a exprimé son intention :

* Contrairement aux dirigeants russes qui qualifient les États-Unis de « partenaire » les dirigeants américains traitent de plus en plus la Russie d’« adversaire ». La récente Stratégie de sécurité nationale National Security Strategy des États-Unis affirme explicitement qu’ils ont l’intention de répondre à la Russie comme à un adversaire : « Les États-Unis répondront à la concurrence croissante, politique, économique et militaire à laquelle nous sommes confrontés dans le monde entier. La Chine et la Russie défient la puissance, l’influence et les intérêts américains, tentant d’éroder la sécurité et la prospérité américaines. »

* Malgré l’absence de preuves claires, il existe une croyance répandue selon laquelle la Russie s’est « immiscée » dans l’élection américaine. Le sentiment anti-russe a été attisé dans l’affirmation exagérée que l’action russe non prouvée était « un acte de guerre, un acte de guerre hybride ».

* Les forces néoconservatrices parlent ouvertement de « punir » la Russie. L’ancien directeur adjoint de la CIA, Michael Morrell, a déclaré : « Nous devons faire payer le prix aux Russes. » Il a confirmé à la télévision publique que cela signifie tuer des Russes (et des Iraniens) en Syrie. Il fut le chef de la CIA pendant 33 ans, et il a fait publiquement campagne pour Hillary Clinton.

Est-ce que la CIA a introduit les preuves de dopage ? Nous ne le savons pas avec certitude mais il ne faut pas le rejeter d’emblée. La CIA a les moyens, l’occasion et surtout le mobile pour impliquer faussement les Russes dans de nouveaux cas de dopage dans le but d’empêcher la Russie de passer outre les sanctions et les punitions sportives internationales. Elle a fait des choses beaucoup plus fourbes, manipulatrices et scandaleuses que cela.

Parti pris médiatique

Malheureusement, les médias occidentaux n’enquêteront pas sur cette possibilité. Les médias occidentaux ne peuvent même pas rendre compte d’événements comme la réunion du CIO d’hier. Le fait que la présidente du Groupe de mise en application du CIO ait chaleureusement loué la participation russe aux Jeux olympiques de Peyongchang n’est pas mentionné dans les médias occidentaux. Le fait que le Dr. Budgett ait soulevé des questions sur l’exactitude des violations des règles anti-dopage contre la Russie n’est pas mentionné dans les articles du NY Times, du Guardian britannique ou d’Inside the Games. Au lieu de quoi, le rédacteur d’Inside the Games a exagéré une fois de plus la voix des critiques de la Russie, tout en minimisant les voix des athlètes internationaux qui veulent mettre le scandale du dopage de côté et aller de l’avant.

Les médias occidentaux ont rapporté mensongèrement que les athlètes russes avaient « avoué » les violations. En fait, les deux athlètes russes nient farouchement prendre des drogues interdites.

Le parti pris des médias occidentaux se manifeste également dans la focalisation sur le prétendu dopage russe et la minimisation ou l’ignorance d’autres éventuelles violations. Par exemple, l’histoire de l’équipe norvégienne de ski de fond et leur usage de médicaments interdits contre l’asthme. Ils contournent les restrictions en disant à leur médecin que la plupart de leurs athlètes sont asthmatiques. Cette situation résulte de l’incohérence des règles et des règlements. Une autorisation d’usage à des fins thérapeutiques (AUT) peut être accordée en secret par un médecin à tout athlète désigné. Ils ne sont pas tenus de le divulguer publiquement, ce qui incite à la corruption et à l’abus.

Le parti pris de McLaren

L’Agence mondiale antidopage (AMA) a aussi été partiale. Il y a plus d’un an, son enquêteur, Richard McLaren, a affirmé que « plus d’un millier d’athlètes russes ont profité » de la prétendue conspiration russe pour tricher avec le système antidopage. McLaren a déclaré que la preuve serait communiquée aux diverses fédérations sportives. En septembre 2017, il a été révélé que des accusations avaient été portées contre 96 athlètes. Parmi ceux-ci, l’AMA a disculpé 95 athlètes de toute irrégularité ; il n’y a eu preuve de violation que pour un seul athlète. Plus récemment, le Tribunal arbitral du sport a complètement annulé les interdictions pour 28 athlètes russes. En résumé, il semble que l’accusation de McLaren à propos de « plus d’un millier d’athlètes qui profitaient » était une exagération ou une invention énorme.

Et maintenant, où cela va-t-il ?

La Commission exécutive du CIO a indiqué qu’elle avait l’intention de lever la suspension du Comité olympique russe si on ne découvrait plus de « violations des règles antidopage » dans le dernier lot d’échantillons des athlètes des Jeux olympiques de Peyongchang. Les résultats sont attendus dans quelques jours.

Une nouvelle violation des règles antidopage pourrait apparaître. Si tel est le cas, cela compliquera considérablement l’effort de réintégration de l’athlétisme russe. Même si les tests finals sont tous propres, ceux qui s’opposent à la Russie continueront à essayer de retarder ou d’empêcher la pleine intégration de la Russie dans la communauté mondiale du sport.

L’ancien directeur du Laboratoire de Moscou, Gregory Rodchenkov, est l’arme principale de la campagne accusant la Russie de « dopage parrainé par l’État ». Icarus est un film sur lui qui a reçu un financement et une promotion énormes. Il est nominé pour un Oscar. Cela servira bien la campagne.

Les Russes ont été accusés d’essayer d’assassiner Rodchenkov. Mais s’il décède subitement un jour, il est plus probable que ce soit la CIA. À ce stade, Rodchenkov a fait tout le mal qu’il pouvait au sport russe. La seule chose qu’il pourrait encore faire, éventuellement, est de se rétracter ou de s’effondrer. Ses maîtres l’ont empêché de se présenter devant les diverses commissions chargées d’examiner les accusations. À ce stade, Rodchenkov pourrait être plus précieux mort que vivant. Sa mort serait une arme puissante pour entraver la normalisation des relations avec la Russie.

L’ancien directeur du laboratoire antidopage russe et « témoin » clé du « programme russe de dopage » Gregory Rodchenkov hier et aujourd’hui.

 

Pour conclure et pour revenir aux Jeux olympiques de Pyeongchang, il faut être prudent avant de présumer de la culpabilité des athlètes russes qui ont été accusés de violations des règles antidopage. Cela n’a aucun sens que deux athlètes russes prennent des médicaments inutiles en sachant qu’ils seront testés et découverts.

L’incident du dopage sert les intérêts de ceux qui, en Occident, ne cherchent pas moins de conflits, mais plus, et cherchent à affaiblir la Russie par une guerre « hybride ».

Il est possible que la CIA soit impliquée dans les derniers incidents, exactement comme elle l’est pour le Dr.Gregory Rodchenkov. Elle a les moyens, l’occasion et le mobile. Elle a l’expérience et l’histoire.

Si c’est vrai, c’est un nouvel exemple de la dégradation dangereuse des relations internationales. Le mouvement olympique a pour but de favoriser des relations pacifiques. La triste vérité est qu’il y a des forces qui veulent l’empêcher. Elles préfèrent diaboliser et diviser dans une quête de suprématie économique et géopolitique sur des « adversaires ». Le sport international n’est qu’une nouvelle arène pour elles. 

Rick Sterling

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker francophone

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