Est-ce la fin d’État Islamique ?


Par Eric Margoulis – Le 31 octobre 2016 – Source Oriental Review

En tant qu’ancien soldat et correspondant de guerre ayant couvert 14 conflits, je regarde tout le tralala médiatique sur le resserrement du siège de Mossoul, en Irak, en secouant la tête. Cette libération de Mossoul, organisée par l’Occident, est l’une des plus grandes pièces de théâtre politico-militaires que je n’ai jamais vues.

État islamique (EI), le défenseur de Mossoul, n’est qu’un tigre de papier, gonflé hors de proportion par les médias occidentaux. EI est, comme le dit l’auteur depuis des années, une foule armée composée de jeunes aigris de 20 ans, de fanatiques religieux et d’anarchistes contemporains. Il est dirigé par d’anciens officiers de l’armée irakienne ayant une expérience militaire.

Ces anciens officiers de Saddam Hussein ne pensent qu’à venger la destruction de leur nation par les États-Unis et le lynchage de leur dernier chef. Mais les troupes d’EI n’ont aucune formation militaire, peu de discipline, des communications dégradées et une logistique assez désorganisée.

En fait, État islamique aujourd’hui correspond à ce que l’Empire ottoman appelait des bashi-bazouks, un ramassis disparate de coupeurs de gorges et de crève-la-faim envoyés pour punir et terroriser les ennemis par la torture, la rapine, le pillage et l’incendie.

Ce qui m’a toujours étonné au sujet de la fausse guerre occidentale contre EI, c’est sa nature paresseuse, son manque d’élan et ses hésitations. À mon avis, EI a surtout été utilisé par les États-Unis et leurs alliés comme une arme pouvant être dirigée contre le gouvernement syrien – tout comme les moudjahidines afghans ont été utilisés par les États-Unis et les Saoudiens pour renverser le gouvernement afghan soutenu par les Soviétiques. Israël a tenté la même tactique en aidant à créer le Hamas en Palestine et le Hezbollah au Liban. Les deux ont été utilisés pour diviser l’OLP.

Mais EI est aussi un regroupement cherchant à punir l’Occident et les Saoudiens pour l’immense carnage qu’ils ont infligé au monde arabe.

Les forces auxiliaires occidentales et kurdes sont stationnées à une heure et demie de route de Mossoul et de Raqqa, toutes deux tenues par EI depuis plus d’un an. Pendant ce temps, l’aviation militaire occidentale – principalement états-unienne – a précautionneusement bombardé autour de ces cibles dans ce qui ressemble surtout à une tentative pour pousser EI à rejoindre les forces dirigées par les États-Unis pour combattre le régime de Damas.

Remarquez qu’EI semble n’avoir jamais attaqué Israël alors qu’il a joué un rôle important dans la destruction de la Syrie. Certains rapports indiquent qu’Israël fournit un soutien logistique et médical à EI.

Le siège de Mossoul est interprété par les médias occidentaux comme un héroïque Stalingrad bis. Ne soyez pas dupe. EI ne dispose que de 3 000 à 5 000 combattants légèrement armés à Mossoul et Raqqa, peut-être encore moins. Les dirigeants d’EI se sont probablement envolés depuis longtemps. Ils possèdent peu d’armes lourdes, pas de couverture aérienne du tout, et de mauvais outils de communication. Ses combattants en haillons seront très rapidement à court de munitions et d’explosifs.

Au moins 50 000 soldats dirigés par l’Occident encerclent Mossoul, soutenus par l’artillerie lourde, des batteries de missiles, des chars, des véhicules blindés et une puissance aérienne extraordinaire.

Les forces impériales occidentales sont composées de combattants kurdes, de forces régulières et de forces spéciales irakiennes, de Kurdes syriens, de volontaires iraniens et d’au moins 5 000 troupes de combat américaines, rebaptisées conseillers, et même un petit nombre de forces spéciales françaises, canadiennes et britanniques. En arrière plan, quelques milliers de troupes turques, soutenues par des blindés et de l’artillerie, prêtes à libérer l’Irak, qui faisait autrefois partie de l’Empire ottoman.

Pour les États-Unis, les opérations militaires actuelles en Syrie et en Irak sont la réalisation d’un grand rêve impérialiste : des troupes indigènes menées par des officiers blancs, selon le modèle de l’ancien Raj des Indes britanniques. Washington a formé, équipé et financé tous ses auxiliaires indigènes.

EI est pris dans un dangereux dilemme. En tant que mouvement politique, il était ravi de contrôler la deuxième plus grande ville d’Irak. Mais en tant que force de guérilla, il n’aurait pas dû s’enterrer dans une zone urbaine où il était très vulnérable à une attaque aérienne ciblée et au siège de la ville. C’est justement ce qui se produit en ce moment.

Dans le Croissant fertile, zone plate et peu arborée, les forces terrestres sont totalement vulnérables à la puissance aérienne, comme l’ont montré les récentes guerres israélo-arabes de 1967 et 1973 et la guerre d’Irak en 2003. La dispersion et les tactiques de guérilla sont le seul espoir pour ceux qui manquent de couverture aérienne.

Les forces d’EI seraient mieux avisées de se disperser dans la région et de continuer leurs attaques de façon sporadique. Sinon, ils risquent d’être détruits. Mais étant majoritairement composé de fanatiques sanglants, EI pourrait bien ne pas tenir compte de la logique et des précédents militaires, et préférer un dernier acte de résistance dans les ruines de Mossoul et de Raqqa.

Lorsque cela se produira, les dirigeants occidentaux se disputeront pour revendiquer la paternité de la fausse croisade contre le tigre de papier qu’est EI.

Eric S. Margolis.

Article original publié sur le blog de l’auteur.

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.

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