Dire que le populisme sape la démocratie revient à dire que la démocratie sape la démocratie


Par Caitlin Johnstone – Le 30 septembre 2018 – Source Medium.com

Quand les gardiens de la ploutocratie des deux bords font front commun.

S’il y a une chose qui me met la larme à l’œil, c’est bien ce que je ressens en regardant les néoconservateurs républicains aux ordres et les néoconservateurs démocrates aux ordres trouver un moyen de surmonter leurs quasi inexistantes différences et de se réunir pour discuter des nombreuses, nombreuses, nombreuses, nombreuses, nombreuses, nombreuses, nombreuses choses qu’ils ont en commun.

Lors d’un débat à la Gerald R. Ford School of Public Policy, Neera Tanden, leader de la « Résistance » [à Trump, NdT] et agitatrice professionnelle de gauche, rencontrait Bill Kristol, un néoconservateur de droite à la base du viol de l’Irak, pour discuter de bipartisme et de valeurs communes. Pendant que des lutins se tenaient la main en dansant sous des arcs-en-ciel en bonbons et des abeilles en gomme à mâcher, le duo eut une amicale et joyeuse conversation avec l’hôte de l’événement, le débat prenant une forme qui n’était pas sans rappeler une bataille de polochons dans un dortoir capitonné de Pillsbury après que les mecs eurent trop bu de Perrier.

Pour commencer l’événement, l’animateur, dont je refuse de retenir le nom, a demandé aux deux personnes de discuter brièvement de ce qu’elles avaient en commun pour rendre possible un dialogue aussi tabou.

« Les questions relatives à la sécurité nationale et la croyance en des principes démocratiques en matière de politique étrangère », a répondu Tanden. « Et l’opposition à l’autoritarisme et au populisme rampant qui mine la démocratie elle-même. »

Neera Tanden est, au cas où vous ne le sauriez pas, PDG du groupe de réflexion Center for American Progress, groupe financé par des ploutocrates. Elle est aussi une proche de longue date de Clinton et d’Obama. Ses courriels figuraient en bonne place dans les courriels fuités de Podesta, publiés par WikiLeaks en 2016, que New Republic a décrits comme révélant « une tendance à exclure ceux qui ne respectent pas les limites, une prédilection troublante pour quelqu’un qui est une sorte de gardien des idées acceptables en politique démocratique ». Un coup d’œil rapide à l’activisme politique de Tanden et à sa présence sur Twitter rendra cela peu surprenant, car elle semble souvent plus occupée à s’en prendre au Green Parti et aux progressistes-démocrates non conformes qu’à promouvoir les valeurs progressistes. sa vie entière est consacrée à garder hors d’atteinte de la population américaine ce qui passe pour de la politique de gauche.

Kristol a confirmé la rhétorique anti populiste de Tanden et son soutien ouvert à la politique étrangère néoconservatrice, et a ajouté qu’une autre chose que lui et Tanden ont en commun est qu’ils ont tous deux servi au gouvernement, ce qui vous fait réaliser que rien n’est noir ou blanc et que tout est un peu flou et sans frontières précises. Une bonne excuse si, par exemple, vous avez contribué à faire faire à votre pays une horrible erreur qui a fini par le massacre de beaucoup de gens sans bonne raison.

« Je pense que si vous avez fait partie du gouvernement – ce n’est pas universellement vrai, mais quand même un peu vrai – vous avez une idée un peu plus précise de la complexité des choses, et que bon nombre de ses décisions ne sont pas noires ou blanches, que la plupart des politiques publiques comportent des avantages et des inconvénients », a dit Kristol. « Il y a d’authentiques désaccords à la fois sur les valeurs, mais aussi sur la façon dont certaines choses vont fonctionner ou ne pas fonctionner… et c’est ce qui ajoute une sorte d’humilité à la conviction que l’on a toujours raison sur tout. »

J’ai trouvé cela très drôle de la part d’un homme qui a notoirement toujours eu faux sur tout, et j’aimerais souligner que la « complexité » est un argument clé que les néoconservateurs, qui ont toujours eu tort sur tout, répètent à l’envi. Tout est compliqué et rien n’est vraiment connu et c’est un grand désordre flou, alors peut-être que massacrer un million d’Irakiens et déstabiliser le Moyen-Orient était une bonne chose. Jetez un coup d’œil à ce court clip de John Bolton confronté par Tucker Carlson sur l’erreur spectaculaire que fut l’invasion de l’Irak pour avoir un bon exemple de ce que je viens de dire :

J’ai écouté toute la conférence, mais ce n’était qu’un long blabla mielleux de politesse amicale, l’équivalent verbal de la couleur beige, alors j’ai eu de la difficulté à m’y intéresser. Tanden et Kristol détestent tous les deux l’extrême gauche (en fait le « centre » pour ceux qui vivent en dehors des États-Unis), ils détestent tous les deux Trump, et peut-être que les Américains ont beaucoup plus en commun qu’ils ne le pensent et tout le monde peut se réunir et ensemble se réjouir et bla bla bla. Kristol a dit un moment qu’il n’était pas d’accord avec la censure sur Internet, ce qui est bizarre parce que son Weekly Standard participe activement à la censure sur Facebook en tant que « vérificateurs de faits » autorisé.

Le mot à la mode, « bipartisan », est beaucoup utilisé dans la politique américaine parce qu’il donne l’illusion que quel que soit l’ordre du jour auquel il est appliqué, il doit y avoir une vérité universelle profonde pour laquelle ces idéologies extrêmement divergentes mettent de côté leurs différences afin d’avancer, mais ce que cela signifie habituellement c’est que les néoconservateurs démocrates et les néoconservateurs républicains travaillent ensemble pour imposer de nouvelles horreurs au monde. Les deux principaux partis politiques américains sont furieusement d’accord l’un avec l’autre sur la guerre, le néolibéralisme, la surveillance orwellienne et tout autre programme qui augmente le pouvoir et le profit de la classe ploutocratique qui les finance tous deux. Les médias ploutocrates font jouer les différences entre démocrates et républicains dans des proportions hystériques, alors qu’en réalité, le débat sur la question de savoir lequel des deux est le pire est comme un débat sur la question de savoir si ce sont les bras ou les jambes d’un tueur en série qui sont les plus mauvais.

Neera Tanden et Bill Kristol sont le même genre de branleurs. Ils sont tous deux les membres toxiques d’une bête toxique, se nourrissant de la vie de gens ordinaires, au pays comme à l’étranger, remplissant sa bouche béante au service des puissants. Et le populisme, qui n’est rien d’autre que l’idée qu’il faut protéger les gens du peuple de l’avidité des puissants, est le seul antidote à de telles toxines. Dire que le populisme sape la démocratie, c’est comme dire que la démocratie sape la démocratie.

Caitlin Johnstone

Traduit par Wayan, relu par Cat, vérifié par Diane pour le Saker Francophone

   Envoyer l'article en PDF   

2 réflexions sur « Dire que le populisme sape la démocratie revient à dire que la démocratie sape la démocratie »

  1. Ping : Affaire Khashoggi : les Saoudiens bétonnent, mais la pression va monter – Le Saker Francophone – DE LA GRANDE VADROUILLE A LA LONGUE MARGE

  2. Ping : Comprendre les enjeux géopolitiques: Le populisme ou le réveil des peuples – les 7 du quebec

Les commentaires sont fermés.