Damas se prépare-t-elle à négocier un accord avec les Kurdes ?


Par Andrew Korybko – Lundi 23 juillet 2018 – Source orientalreview.org

Damas aurait déjà conclu deux ententes pragmatiques avec des groupes dits « rebelles » au nord-est du pays.

Le président syrien Bachar El Assad (photo wikipedia.org)

Sputnik a signalé que le gouvernement syrien légitime touche un tiers des revenus des champs de pétrole d’al-Rmeilan et de Jabsah, tandis que Rudaw – un média tenu par des Kurdes – annonçait que l’État avec accepté d’exploiter le barrage de Tabqa conjointement avec les « Forces démocratiques syriennes » (FDS). Chacun de ces deux accords implique les Kurdes à des niveaux différents, les faibles informations sur l’accord pétrolier semblant indiquer que l’accord a été négocié directement entre les Kurdes et Damas, tandis que l’accord sur l’eau apparaît comme multilatéral, avec l’implication de la coalition des FDS. Si on les considère comme un tout et si l’on dépasse la rhétorique maximaliste toujours prêchée par les autorités syriennes et leurs affiliés – pour des raisons de politique intérieure et pour maintenir un moral de « résistance » – on constate que Damas se réjouit évidemment de parvenir à des accord pragmatiques de facto avec l’organisation même que le gouvernement syrien avait juré de déloger de sa région nord-est.

En soi, ces accords nous indiquent que la promesse du président Assad de libérer « chaque mètre carré » de la Syrie pourrait finir dans un processus beaucoup moins spectaculaire que beaucoup d’observateurs ne l’auraient cru ; il apparaît moins probable que jamais que l’Armée arabe syrienne (AAS) ne pénètre la ligne de « désescalade » non déclarée, le long de l’Euphrate, et ne lance une grande offensive militaire dans cette zone, comme elle l’a fait récemment dans la zone de désescalade officielle autour de Deraa. La libération de cette région, riche en ressources énergétiques et agricoles, reste probablement à l’agenda du gouvernement, mais pourrait se voir réalisée par des moyens diplomatiques, intégrés dans un accord russo-américain et facilités par les efforts de médiation russes avec les Kurdes.

Damas, prenant en compte le fait qu’elle n’a aucun moyen de jamais contrôler militairement la zone nord-est du pays – du moins tant que cette zone demeure un protectorat américain – pourrait en venir à reconnaître la « fédération » auto-déclarée administrée par les Kurdes, dans un cadre garantissant un partage des bénéfices issus de l’exploitation des ressources naturelles et une gestion partagée élargie des infrastructures de la zone. Cette position, totalement inversée par rapport à ce que le gouvernement prévoyait, pourrait être présentée comme seule solution pacifique à cette impasse, et comme une décision courageuse de la part des autorités syriennes, en vue d’impulser une réforme constitutionnelle et un processus de paix conjoints. Prendre l’initiative de cette manière pourrait même permettre à Damas de regagner une aura internationale auprès de l’Occident, et rapprocher le pays d’un allégement des sanctions qu’il subit, si un accord mettant fin à la guerre venait à être conclu.

Cet article constitue une retranscription partielle de l’émission radio context countdown, diffusée sur Sputnik News le vendredi 20 juillet 2018.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

Traduit par Vincent, relu par Cat pour le Saker francophone

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