Comment savoir qu’on est enfermé dans une bulle d’hystérie collective

Scott Adams

Par Scott Adams – Le 17 août 2017 – Source blog.dilbert.com

L’histoire est pleine d’exemples d’hystérie collective. Cela se produit assez souvent. Ce qui est cool dans l’hystérie collective, c’est qu’on ne sait pas qu’on en est atteint. Mais, parfois, les gens qui ne se sont pas laissé emporter par l’hystérie collective peuvent voir que d’autres sont en plein dedans, s’ils savent reconnaître les signes.

Je vais vous apprendre à les reconnaître.

Une hystérie collective se produit lorsque le public a une vision erronée de quelque chose qui a un fort contenu émotionnel, cela déclenche une dissonance cognitive alimentée par des éléments de confirmation biaisés. En d’autres termes, les gens créent tout à coup une réalité fantasmatique entièrement nouvelle (et généralement trompeuse) et croient en voir beaucoup de preuves. Les procès des Sorcières de Salem sont l’exemple le plus connu d’hystérie collective. L’affaire de l’établissement pré-scolaire McMartin et la tulipomanie en sont d’autres. La bulle internet en est probablement un aussi. Avec le recul, on se rendra peut-être bientôt compte que l’histoire de la collusion avec la Russie était aussi de l’hystérie collective. Le curieux manque de preuve solide de la collusion avec la Russie est un drapeau rouge. Nous verrons bien comment tout cela se termine.
 
L’hystérie collective la plus évidente du moment tourne autour de l’idée que les États-Unis ont volontairement élu un président raciste. Si ce que je viens d’écrire a déclenché quelque chose en vous, alors il se peut que vous soyez dans la bulle d’hystérie collective. Évidemment, si vous êtes en pleine hallucination, il vous est impossible de savoir si j’ai raison de dire que vous êtes en pleine hallucination, mais vous pouvez lire le descriptif suivant des symptômes de l’hystérie collective et voir si vous cochez les cases.
 
Si vous êtes atteint d’hystérie collective, reconnaître que vous avez tous les symptômes de l’hystérie ne vous aidera pas à prendre conscience que vous en êtes atteint. Ce n’est pas ainsi que fonctionnent les hallucinations. Au lieu de cela, votre hallucination va se réécrire automatiquement pour expulser toute nouvelle donnée qui  entre en conflit avec elle.
 
Mais si vous n’êtes pas atteint par l’hystérie collective actuelle, vous risquez d’être profondément déconcertés par ce que font les personnes qui le sont. Elles vont vous paraître irrationnelles, mais d’une manière difficile à définir. Vous ne saurez pas dire si elles sont idiotes, sans scrupules, ignorantes, mentalement dérangées, émotionnellement instables ou autre. Tout cela vous paraîtra complètement dément.
 
La raison pour laquelle il est difficile de se rendre compte de ce qui se passe dans notre pays en ce moment, c’est qu’une puissante hystérie collective a saisi une partie de la population. Si vous êtes capables de voir les symptômes que je vais vous indiquer, vous n’êtes probablement pas dans la bulle d’hystérie. Si vous lisez ceci et que vous ne voyez PAS les symptômes, cela signifie probablement que vous êtes enfermé dans la bulle d’hystérie collective.
 
Voici ci-dessous quelques symptômes de l’hystérie collective. C’est moi qui ai rédigé cette liste et je vous invite à la vérifier avec des experts en hystérie collective.
 
1. L’événement déclencheur de la dissonance cognitive
 
Le 8 novembre 2016, la moitié du pays a appris que tout ce qu’il croyait être à la fois vrai et clair était faux. Les gens qui pensaient que Trump n’avait aucune chance de gagner les élections avaient l’impression qu’ils étaient des gens intelligents qui comprenaient leur pays, la politique et la manière dont les choses fonctionnent en général. Quand Trump a gagné, ils ont réalisé qu’ils s’étaient trompés. Ils s’étaient tellement trompés, qu’à postériori (parce que c’est comme ça que le cerveau fonctionne), ils ont réécrit les scénarios qu’ils avaient dans la tête jusqu’à ce que cela ait repris du sens. La foule de ceux qui s’étaient-trompés-sur-tout a décidé qu’il n’y avait qu’une seule façon de redonner du sens à leur univers et de s’en sortir avec leur égo intact, c’était de penser que soit les Russes avaient aidé Trump à gagner, soit il y avait beaucoup plus de racistes dans le pays qu’ils ne l’imaginaient, et qu’il en était le roi. Voilà l’origine des deux hystéries collectives auxquelles nous assistons aujourd’hui.
 
Chez les partisans de Trump, aucune dissonance cognitive n’a été déclenchée puisque Trump a gagné. Leur vision du monde a été confirmée par les événements qu’ils observaient.
 
2. Le ridicule
 
Le signe d’une bonne hystérie collective est que cela semble complètement dingue à ceux qui n’en sont pas atteints. Imaginez que votre voisin vous dise qu’il pense que la voisine est une sorcière. Ou imaginez que quelqu’un vous dise que la garderie est un temple satanique clandestin. Ou imaginez que quelqu’un vous dise que vos oignons de tulipe sont plus précieux que de l’or. Autant d’insanités.
 
Comparez cela avec l’idée que notre président est une marionnette russe. Ou que le pays a élu par hasard un raciste qui pense que le KKK et les nazis sont des « bonnes personnes ». Insanités.
 
Si rien de tout cela ne vous semble insensé – indépendamment de la réalité – vous êtes probablement à l’intérieur de la bulle d’hystérie collective.
 
3. Des éléments de confirmation biaisés
 

Si vous êtes à l’intérieur de la bulle d’hystérie collective, vous avez probablement considéré la première déclaration du président Trump sur Charlottesville 1 – extrêmement maladroite, c’est le moins que l’on puisse dire – comme la preuve irréfutable qu’il est un maudit raciste.

Si vous êtes à l’extérieur de la bulle d’hystérie collective, vous avez sans doute remarqué que le président Trump n’a jamais fait campagne pour devenir notre leader spirituel. Il a dit de lui-même qu’il « n’était pas un ange », mais qu’il avait certaines  compétences qu’il pouvait mettre au service de l’intérêt général. Son programme portait sur la loi et l’ordre, et une justice égale pour tous. Mais il ne s’est jamais présenté comme un directeur de conscience. Les électeurs l’ont élu en toute connaissance de cause. Il est évident que les Républicains n’attendent pas des politiciens qu’ils soient des guides spirituels. Et c’est probablement une bonne chose.
 
Lorsque les horribles affrontements de Charlottesville ont secoué le pays, les citoyens ont instinctivement attendu de leur président une direction morale. À la place, le président a fait une déclaration générale sur la loi et l’ordre. Sous la pression, il a plus tard nommé des groupes spécifiques et condamné les racistes. Il était clairement mal à l’aise dans le rôle de phare de la moralité. Ce n’est sans doute pas par hasard qu’il ne s’est jamais présenté comme un chef spirituel pendant la campagne. Il n’a jamais fait preuve de modestie au sujet de ses autres talents, donc ce n’est probablement pas par hasard qu’il n’a jamais manifesté l’ambition de devenir aussi notre guide en matière de moralité. S’il voulait que nous sachions qu’il en était capable, je pense qu’il nous l’aurait déjà dit.
Si vous croyez déjà que le président Trump est raciste, alors sa déclaration ambiguë à propos de Charlottesville peut vous paraître une confirmation. Mais si vous croyez qu’il n’a jamais promis d’être notre directeur de conscience, seulement de garantir l’égalité de traitement devant la loi, c’est cela que vous avez vu. Et pour ce qui est de la morale, vous obéissez à votre propre conscience.
 
Ce qui est délicat ici c’est que toute interprétation de ce qui se passe pourrait être biaisée. Mais demandez-vous quelle est la version la moins folle de toutes celles-ci :
 
1. Un président en exercice, qui est un expert de la communication, s’est dit que ce serait une bonne idée de ménager des assassins nazis pour améliorer sa popularité et son image.
Ou…
2. Le pays a élu un leader raciste qui fait des clins d’œil au KKK et aux suprématistes blancs pour leur donner le feu vert pour déclencher une guerre raciale maintenant.
Ou…
3. Un clown raciste mentalement instable, un arnaqueur (se contentant généralement de mentir) a éviscéré la base républicaine et a gagné la présidence. Il multiplie les actions racistes, folles et impulsives. Mais bizarrement, l’économie se porte bien, il y a de l’emploi, la Corée du Nord a reculé, l’EI est dans les cordes, et la Cour suprême a un nouveau juge qualifié. Un coup de chance, sans doute.
Ou…
4. Le gars qui n’a jamais promis d’être votre leader en matière de moralité n’a pas donné de directives morales, il a simplement promis de faire respecter la loi et l’ordre dans l’égalité des droits. Comme on pouvait s’y attendre, ses opposants l’ont fait passer, avec adresse, pour quelqu’un de laxiste avec les nazis.
 
L’une de ces différentes interprétations est moins folle que les autres. Cela ne veut pas dire qu’elle soit vraie pour autant. Mais les choses normales arrivent bien plus souvent que les choses extravagantes. Et ses opposants font passer les choses les plus normales pour des folies démentielles chaque fois qu’ils le peuvent.
 
4. Une réaction disproportionnée
 
Il serait difficile de surréagir à un meurtre nazi, ou à des racistes arpentant les rues avec des torches. De pareils événements exigent une forte réaction. Mais si un Républicain est d’accord avec vous pour dire que les nazis sont ce qu’il y a de pire, et que vous le menacez de lui taper dessus parce qu’il n’a pas exprimé son accord de la bonne manière, votre réaction est probablement disproportionnée.  
 
5. L’insulte non argumentée
 
Lorsque les gens ont de vrais raisons d’être en désaccord avec vous, ils les donnent sans hésiter. Des inconnus, sur les médias sociaux, analysent avec enthousiasme les faits que vous énoncez, la logique de vos raisonnements et vos hypothèses. Mais lorsque vous commencez à être la cible d’attaques ad hominem absolument non argumentées, c’est peut-être le signe que des gens enfermés dans la bulle d’hystérie de masse ne comprennent pas ce qui cloche dans votre point de vue, sauf qu’il semble plus sensé que le leur.
 
Depuis deux jours, je condamne les nazis sur Twitter. La réaction la plus courante de personnes qui sont pourtant d’accord avec moi sur ce point, c’est que ma bande dessinée craint et que je suis affreux.
 
Les symptômes de l’hystérie collective que j’ai décrits ici ne sont pas scientifiques ni rien. Ce n’est que mon point de vue sur la question, basé sur mes observations personnelles et des années d’expérience de l’hypnose et d’autres formes de persuasion. Je présente ce filtre de la situation comme une première étape dans la dissolution de l’hystérie collective. Ce n’est pas suffisant, je vais en faire plus. Si vous êtes à l’extérieur de la bulle d’hystérie collective, vous voyez sans doute ce que je fais sur ce blog comme un précieux service d’intérêt général. Si vous êtes à l’intérieur de la bulle d’hystérie collective, je vous fais l’effet d’un collaborateur nazi.
 
Comment me voyez-vous ?
 
J’ai écrit un livre sur la façon de se convaincre de réussir dans la vie. D’après les commentaires de mes lecteurs, ça marche.
 
Mon prochain livre, Win Bigly, vous expliquera comment persuader les autres (en bien). Il va sortir le 31 octobre.
Scott Adams
 
Traduit par Diane pour le Saker Francophone
Notes

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

   Envoyer l'article en PDF   

2 réflexions sur « Comment savoir qu’on est enfermé dans une bulle d’hystérie collective »

  1. Ping : Revue de presse inter. | Pearltrees

  2. Ping : Hystérie collective : on ne sait pas qu’on en est atteint... – Le Monde...

Les commentaires sont fermés.