Témoignage sur la vie quotidienne en Syrie [2/5]

Note du Saker Francophone 

Nous présentons, en trois articles, le témoignage de Marie-Ange Patrizio.
Marie-Ange est retraitée, psychologue de formation, elle a effectué plusieurs voyages en Syrie et nous livre ici, en libre opinion, ce qu'elle a constaté lors de ses rencontres sur place.

3-17 octobre : derrière l’image médiatique,
le courage et la détermination des Syriens


Par Marie-Ange Patrizio – Le 1er novembre 2015

1. Sabalh’l nour ! 1

Samedi matin 10 octobre 2015, monastère de Mar Yakub, Qâra.

Le soleil n’est pas encore levé. Deux étoiles tiennent compagnie à un très mince croissant de lune. De l’eau ruisselle dans le jardin de simples, en contrebas : c’est celle du puits (à pompe) qui alimente le monastère. J’ai entendu deux fois déjà la prière venant de Qâra. Tout est calme, les nuages s’étirent au-dessus du Qalamoun dont la silhouette se détache dans les lueurs de l’aurore. Il fait frais dans l’embrasure de la fenêtre ; le plateau est à 1 300 mètres. J’ai allumé une petite lumière dans ma chambre et je réalise tout d’un coup qu’à contre-jour devant cette fenêtre, je peux faire une bonne cible pour un sniper qui se serait embusqué dans la campagne. Exagéré, sans aucun doute ; à force de promettre (en France) d’être prudente, voilà où on en arrive. Mais j’éteins, on ne sait jamais; de toutes façons je n’ai pas besoin de cette lumière. Au contraire même, pour profiter du lever du jour puis de la chaleur des premiers rayons du soleil. La petite cloche dans le patio du monastère annonce la prière du matin. Et l’heure, donc.

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  1.  Matin de lumière

Les pilotes de drones se révoltent

Préambule

Cette lettre m’a interpellé car elle met le doigt sur un point qui me dérange depuis les attentats du 13 novembre. C’est la réaction d’inculpabilité de trop nombreux Occidentaux face à cet événement. Pour cela, ils s’inventent une histoire de musulmans agressifs par culture, qui leur évite de voir leur part de responsabilité dans cette réaction violente de la part de jeunes déséquilibrés sociaux.

Cela me fait totalement penser à la réaction israélienne face aux jeunes Palestiniens. Incapables de voir que la colère palestinienne est due à la colonisation humiliante qu’ils subissent, ils s’inventent une histoire raciste d’Arabes violents par nature.

Eh bien, il semble que ce soit la même chose pour de nombreux Occidentaux qui, incapables de reconnaitre la politique néo-colonialiste menée par les États-Unis et leurs laquais européens, dont la France en première ligne, s’inventent une histoire raciste qui dit que la religion musulmane rend les gens agressifs, conquérants et violents. Exactement comme on traitait les colonisés de sauvages du temps des premières colonisations.

Un peu de remise en question de soi, autant collectivement qu’individuellement, sera nécessaire pour que le monde retrouve un minimum d’harmonie. La myopie politique qui touche tant de monde ne peut que mener à cette guerre mondiale que pourtant même ces myopes redoutent. Ouvrez vite les yeux car c’est votre myopie qui la génère. Ouvrez les yeux pour réaliser que cette arrogance coloniale occidentale doit disparaitre par auto-décision, volonté propre, sinon elle disparaîtra dans le sang. Exigeons de nos gouvernements qu’ils abandonnent cette politique impérialiste qu’ils mènent depuis Christophe Colomb. Car si nous n’en sommes pas capables de notre plein gré, alors ce sera une 3e guerre mondiale, mais cette fois nous la perdrons car nous ne sommes plus dans le sens de l’Histoire.

Ouvrez les yeux pour ne plus jamais oublier que ce ne sont pas quelques jeunes musulmans frustrés qui sont le vrai danger pour les peuples, mais ces systèmes politiques où la haine entre les peuples est attisée, depuis des siècles, par des puissants qui en profitent pour assouvir leur mégalomanie.

J’espère que cette lettre vous y aidera.

Le Saker Francophone

Pourquoi avez-vous tué ma famille, peint sur un mur au Yémen

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Pardon ! Pardon! Pardon !
ad nauseam…


Par Roua Naboulsi – Le 16 novembre 2015 – Source Facebook

© Dado Ruvic

Ce qui s’est passé hier soir à Paris est terrible. J’ai veillé tard pour suivre les informations, incrédule, et je demande sincèrement pardon à chacune des personnes affectées par ces horribles attaques. La communauté internationale a répondu, comme on s’y attendait, en témoignant à Paris une solidarité inébranlable.

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Témoignage sur la vie quotidienne en Syrie [1/5]

Note du Saker Francophone 

Nous présentons, en trois articles, le témoignage de Marie-Ange Patrizio.
Marie-Ange est retraitée, psychologue de formation, elle a effectué plusieurs voyages en Syrie et nous livre ici, en libre opinion, ce qu'elle a constaté lors de ses rencontres sur place.

3-17 octobre : derrière l’image médiatique,
le courage et la détermination des Syriens

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Le chaos des réfugiés en Allemagne : une stratégie de sortie pour les traîtres ?

Par Alex S. – Le 3 novembre 2015 – Source Club Orlov

 

 

 

Note de Dmitry Orlov

L'Allemagne, pays au centre de l'Union européenne avec son économie puissante, est devenue une sorte de trou noir. 70 ans après la chute du nazisme, c'est encore un pays occupé, sous domination militaire et politique des États-Unis. La presse nationale, populairement appelée Lügenpresse [la presse mensongère] fait fidèlement écho à la ligne du parti décidée à Washington.
Les politiciens veules de l'Allemagne, risée populaire, passant de Volksvertreter [représentants du peuple] à Volksverräter [traîtres au peuple] ne valent pas mieux. Nous sommes donc incapables de voir ce qui se passe réellement là-bas, comme l'Union européenne est en train, selon les mots du ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, Sergueï Lavrov, de se suicider en laissant entrer les hordes d'invasion du Moyen-Orient. 

Ce bref rapport d'Alex, qui nous raconte ce qu'il voit, est le bienvenu.

Vous rappelez-vous la dernière fois que vous avez vu un homme avec des yeux sauvages, des vêtements étranges et un signe géant autour de son cou signifiant : «la fin est proche» ?… [Oui, Tintin, l’Etoile Mystérieuse, NdT]

Ridicule et pathétique!”, vous seriez en droit de le penser.

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D’après Norman Finkelstein, les rapports d’Amnesty concernant Gaza sont de la pure propagande pro-israëlienne

«... J'en suis arrivé à reconnaître la sagesse de l'approche qu'avait Gandhi de la politique. Sa doctrine exprimait l'idée que la politique ne devait pas chercher à changer l'opinion publique, mais devait tenter d'amener les gens à agir sur ce qu'ils estimaient mauvais... L'un des dangers qui menacent les politiques radicales est leur aspiration à aller au-delà du sentiment populaire. Vous définissez vos propres conceptions du bien et du mal, et vous tentez de vous distinguer d'un public ignorant. Au final, vous aurez une posture politique des plus impressionnantes, mais au détriment de son efficacité.» Norman Finkelstein

Voir aussi la série d'articles de Finkelstein publiée par le Saker Francophone sur les rapports d'Amnesty concernant l'opération israélienne Protective Edge à Gaza en juillet 2014 évoqués dans cette entrevue.

Le Saker Francophone

Par Nick Mutch – 19 juillet 2015 – Source Information Clearing House

Norman Finkelstein est un grand connaisseur, bruyant et controversé, du conflit israélo-palestinien, et l’un des critiques d’Israël les plus assumés et les plus incisifs. Aux côtés du célèbre historien israélien Benny Morris, il a récemment annoncé son association avec Byline, une plate-forme de financement participatif pour le journalisme indépendant. Il a l’intention d’utiliser ses articles pour récolter 100 000 dollars, qui seront donnés à l’hôpital Al-Awda de Gaza. Vous pouvez soutenir son travail et la campagne de financement à cette adresse. Nick Mutch a pu parcourir un premier jet de l’étude de Norman centrées sur les rapports émis par Amnesty International concernant la guerre de Gaza, et a pu discuter avec lui de ce nouveau projet par téléphone.

Nick Mutch (NM) : Votre dernier article présente une critique acérée des rapports émis par Amnesty International à propos de l’opération Bordure Protectrice, l’assaut israélien contre Gaza, l’été dernier. Vous vous attaquez notamment aux différences de traitement entre «des attaques de mortiers et de roquettes, illégales et meurtrières, par un groupe armé palestinien» (Unlawful and Deadly: Rocket and Mortar Attacks by Palestinian Armed Groups) et «Des familles sous les décombres : attaques israéliennes sur des maisons habitées» (Families Under the Rubble – Israeli Attacks on Inhabited Homes). Pourriez vous nous en dire plus?

Norman G. Finkelstein (NGF) : Je me suis plongé dans les rapports d’Amnesty, plein d’espoir et avec des attentes élevées, car j’avais en mémoire leur rapport 22 jours de massacres et de destructions (22 Days of Death and Destruction), qui avait été publié après l’opération Plomb Durci en 2008-2009. Je m’attendais à lire un rapport rigoureux, honnête et légalement cadré de ce qui a pu se passer sur place. Dans la bataille menée pour gagner l’opinion publique, nous avons besoin d’organisations comme Amnesty, qui possèdent une autorité morale certaine, pour faire pièce à la propagande israélienne qui fonctionne comme une machine bien huilée.

Mais je suis un lecteur des liens donnés dans un article, et je n’ai pu m’empêcher de remarquer que certaines sources, par exemple le ministère des Affaires étrangères israélien, étaient citées de façon extensive. Cette véritable antenne de propagande était citée comme une source sûre, alors que les enquêtes par des organisations humanitaires gazaouies respectées, comme al-Mezan, n’étaient même pas mentionnées. J’en suis arrivé à réaliser que les rapports d’Amnesty ne faisaient que reprendre la propagande israélienne, c’est à dire une image retouchée et embellie des horreurs infligées par Israël à Gaza.

Israël a détruit ou rendu inhabitables 18 000 maisons. Dans ‘Des familles sous les décombres’, Amnesty insinue que dans l’intégralité des cas étudiés, Israël ciblait des objectifs militaires, mais a utilisé une force disproportionnée. C’est un alibi parfait pour Israël. Toute personne familière avec le droit humanitaire international (les lois de la guerre), sait qu’il est impossible de prouver la disproportion. C’est un concept sans pré. Comment faites vous pour estimer combien de vies civiles valent un objectif militaire? C’est un cas classique de comparaison entre des pommes et des oranges.

Y avait-il vraiment 18 000 militants du Hamas dans ces 18 000 maisons? Si vous vous référez aux témoignages de combattants israéliens publiés par l’organisation Breaking the Silence, vous verrez qu’ils montrent qu’Israël avait deux objectifs à Gaza. Tout d’abord, lorsque les troupes entraient sur le champ de bataille, les règles d’engagement qui leur étaient imposées étaient les suivantes : tirez sur tout ce qui bouge, voilà tout. En d’autres termes, il n’y a pas de civil dans les zones de guerres identifiées comme telles. Ensuite : à chaque fois que vous entrez dans une maison, détruisez-là en sortant. Leurs bulldozers blindés D-9 fonctionnaient jour et nuit pour détruire les maisons rencontrées. En quoi cela avait-il un quelconque rapport avec le fait de prendre des militants pour cible?

Tirez sur tout ce qui bouge, voilà tout.

NM : Vous indiquez dans votre article qu’«Amnesty retombe dans ses vieux travers», mais vous considérez également que l’opinion publique dans le reste du monde est en train de se tourner contre Israël. Comment expliquez-vous ce paradoxe?

NGF : De façon extraordinaire, malgré la propagande médiatique et l’immense pouvoir du lobby sioniste, l’opposition populaire à la politique d’Israël ne fait que croître. De plus en plus de gens ont vu au travers de la toile des mensonges, et sont en mesure de discerner la vérité. Quand les partisans d’Israël ont compris qu’ils avaient perdu la bataille pour l’opinion publique dans les segments libéraux des sociétés, comme les campus des universités et les organisations humanitaires, ils ont cessé d’agir avec des pincettes. Ils se sont mis à accuser quiconque était vaguement critique de la politique d’Israël d’être antisémite, et se sont mis à appliquer toutes sortes de pressions en sous-main. Par exemple, sur les campus universitaires, où l’opinion majoritaire s’oppose avec vigueur à la politique israélienne, des réseaux d’anciens étudiants juifs ont été mobilisés pour menacer de retirer leurs subventions.

Vous pouvez aussi vous référer au conseil d’administration d’Amnesty au Royaume-Uni, qui a récemment contribué à une nouvelle campagne anti-antisémitisme. Ils ont donné leur accord à la mise en place d’une campagne absurde. Avez-vous jeté un œil aux statistiques à ce sujet? D’après tous les sondages menés par des sources sérieuses, comme Pew, l’antisémitisme au Royaume-Uni concerne moins de dix pour cent de la population. Par contre, soixante pourcent de la population du Royaume-Uni a des préjugés envers les gitans, et quarante pour cent envers les musulmans. Et l’autre jour, une manifestation nazie au Royaume-Uni a été l’occasion d’un grand ramdam médiatique. Savez-vous combien de nazis se sont vraiment rendus à cette manifestation? Vingt. Mais le Guardian a tout de même cru bon de présenter en une un sondage a la fiabilité douteuse, annonçant des taux d’antisémitismes alarmants dans le pays. Les gens ont plus de préjugés envers les gens gros, petits ou laids [qu’envers les juifs]. Je suis prêt à parier que si vous demandez à n’importe quel Britannique s’il préfère être chauve ou juif, il choisira juif.

NM : Avez-vous déjà été personnellement en contact avec des manifestations d’antisémitisme ?

NGF : J’ai grandi dans un environnement totalement judaïsé, de la maternelle à l’université. Je ne connaissais pratiquement que des juifs. C’était comme si les non-juifs de l’école étaient inexistants, car les meilleures classes étaient entièrement constituées de juifs. Je connaissais bien quelques non-juifs, comme ça, mais nous ne nous mélangions pas. Ma génération de faisait pas grand cas de l’antisémitisme. Nous étions trop occupés à préparer nos plans pour nos futures carrières. En fait, beaucoup de mes anciens camarades ont brillamment réussi. Un grand nombre d’entre eux ont pu faire carrière dans leurs champs respectifs et ont fini directeurs de département dans une université de l’Ivy League, professeurs à l’Ecole médicale de Harvard, gérants de grandes corporations, directeurs de fonds spéculatifs, sénateurs. Ils étaient intelligents, bien sûr, vous aurez du mal à trouver votre place dans le monde, en partant d’en bas, si vous n’êtes pas intelligent. Mais ils étaient également très ambitieux, sans doute trop. Déjà, à l’époque, et je doute que cela ait changé, il ne s’agissait pas de gens très sympathiques. Ils n’auraient rien laissé se mettre en travers de leur ascension de l’échelle de la gloire, que ce soient des sentiments ou des principes. L’antisémitisme n’était même pas un sujet de discussion, car nous étions persuadés, et la suite à prouvé que nous avions raison, que si nous travaillions assez dur, tous les chemins vers le pouvoir et les privilèges nous seraient ouverts.

NM : Par le passé, vous avez émis des positions extrêmement critiques envers le mouvement Boycott, Divestment and Sanctions [BDS pour Boycott, Désengagement et Sanctions, NdT], le qualifiant de culte et d’«historiquement criminel». D’où vient votre désaccord avec ce mouvement?

NGF : Je suis en accord avec quatre-vingt-quinze pour cent des actions menées par BDS, mais pas avec leur charte officielle. La tactique qui consiste à utiliser divers instruments nonviolents comme les boycotts, le désengagement, les sanctions économiques, est évidemment appropriée. Il est inutile de tenter de convaincre les Israéliens au moyen d’arguments rationnels ou moraux. Vous ne pourrez pas plus les convaincre de la validité de la lutte palestinienne que vous n’auriez pu convaincre un blanc du Sud des USA de la pertinence des mouvements pour les Droits Civiques. Toute approche critique de l’action de BDS doit commencer par reconnaître la ténacité, l’ingéniosité et l’intelligence des activistes qui forment la base de BDS, et qui ont pu remporter un nombre impressionnant de victoires contre Israël.

Mon différend avec BDS vient du fait que je considère qu’il est impossible de gagner l’opinion publique sans affirmer clairement le droit à l’existence de l’État d’Israël, à l’intérieur des ses frontières reconnues par des accords internationaux. BDS refuse catégoriquement de prendre une telle position : ils affirment n’avoir aucune opinion quand au droit d’Israël à exister. C’est le meilleur moyen de se couper d’une grande partie du public.

BDS affirme être ancré sur le droit international, mais le droit international admet l’existence de l’État d’Israël. C’est pourquoi le pays est membre de l’ONU. Vous ne pouvez à la fois demander la reconnaissance des Palestiniens au nom du droit international et refuser cette reconnaissance à d’autres. Vous ne pouvez pas choisir quelle partie de la loi accepter, et en refuser le reste. Vous devez admettre l’ensemble de ce que stipule le droit international concernant les deux parties du conflit, et pas seulement vous occuper du côté qui a votre préférence. Si vous demandez que vos droits soient respectés, alors vous avez automatiquement l’obligation de respecter les droits des autres. Au final, chaque victoire atteinte par BDS l’a été en dépit de leur charte.

Vous ne pouvez pas choisir quelle partie de la loi accepter.

Les diverses résolutions votées dans les campus US américains, qui demandent le désengagement, s’attaquent à l’occupation [de Gaza par Israël], tout en reconnaissant explicitement l’État d’Israël. Si BDS se définit par sa charte officielle (ce que ses dirigeants affirment), il est difficile d’admettre que ces résolutions puissent être considérées comme des victoires pour BDS. En effet, celles-ci soutiennent directement la solution de deux États, sans que cette solution soit reconnue par la charte de BDS, et alors que de nombreux dirigeants et activistes du mouvement s’y opposent fortement.

De plus, BDS entretient l’illusion qu’en agissant seul, et sans le soutien d’une résistance populaire massive dans les territoires occupés, le mouvement sera capable de libérer la Palestine. Un dirigeant de BDS est allé jusqu’à proclamer récemment que ‘«BDS pourrait bien être la plus puissante forme de résistance du peuple palestinien jamais formée‘». Vraiment? Cela suppose donc que le nombre de Palestiniens qui ont participé activement à BDS est plus important que ceux qui ont prix part à la Grande Révolte arabe de 1936-1939 ou à la première intifada? Ce dirigeant semble confondre le peuple palestinien avec les ONG financées par l’étranger qui fleurissent à Ramallah. Un autre dirigeant de BDS vient d’affirmer: «Concernant Gaza, nous considérons que le seul espoir restant passe par un boycott d’Israël, et son isolation complète, jusqu’à ce que les résidents des camps de réfugiés gazaouis, qui forment la majorité de la population sur ce territoire, puissent retourner dans leurs villes et villages dont ils ont été chassés en 1948.»

Il est étrange d’entendre ces gens qui d’une part, fustigent les colons-impérialo-racistes-blancs-libéraux-sionistes occidentaux pour leur négligence envers la volonté palestinienne, alors que d’autre part, ils souhaitent voir la Palestine libérée, non pas par son peuple, mais par des pressions exercées depuis l’étranger. Ces affirmations, et les nombreuses autres semblables, provenant de la direction du BDS, s’apparentent à des illusions, mâtinées de délire et entrelacées de mégalomanie. Le révolutionnaire africain Amilcar Cabral a un jour affirmé : «Ne pas mentir, ne pas revendiquer les victoires faciles.» A mon avis, ce sage conseil devrait être mieux médité.

NM : De nombreux étudiants britanniques ont exprimé un soutien massif au mouvement BDS. Que pensez-vous du soutien apporté par les étudiants à ce mouvement ?

NGF : Je peux comprendre ces jeunes gens qui soutiennent la charte de BDS et la solution de l’État unique. Dans ma jeunesse, j’aurais agi comme eux. Cela vient en partie de l’idéalisme inhérent à une jeune personne. Un État séculier unique, sous lequel chacun puisse bénéficier des mêmes droits, est bien plus attirant à une sensibilité éclairée, que deux États basés sur des critères ethniques. Mais il s’agit aussi d’une posture qui se veut radicale : on cherche plus de pureté, à être plus en avant que tous les autres, quand une solution à deux États semble triste et pleine de compromis. L’âge n’a pas éteint mon radicalisme, mais mon investissement en politique se concentre moins sur moi-même, sur mon ego et mon souhait de présenter une pose radicale à la face du monde. Je cherche bien plus à trouver une solution efficace.

J’en suis arrivé à reconnaître la sagesse de l’approche qu’avait Gandhi de la politique. Sa doctrine exprimait l’idée que la politique ne devait pas chercher à changer l’opinion publique, mais devait tenter d’amener les gens à agir sur ce qu’ils estimaient mauvais. Chacun sait que le système a déjà une multitude de défauts inacceptables. Le problème vient du fait qu’il est rare que les gens agissent à ce propos. L’un des dangers qui menacent les politiques radicales est leur aspiration à aller au-delà du sentiment populaire. Vous définissez vos propres conceptions du bien et du mal, et vous tentez de vous distinguer d’un public ignorant. Au final, vous aurez une posture politique des plus impressionnantes, mais au détriment de son efficacité.

NM : Pourriez-vous nous parler de vos parents et de l’influence qu’ils ont eu sur vous ?

NGF : Cette année marque le vingtième anniversaire de leur mort. Mon père est mort en janvier 1995, et ma mère en octobre de la même année. J’aimerais pouvoir poser une plaque en leur mémoire dans un hôpital de Gaza (ce que je tente d’accomplir avec Byline.com). Bien sûr, il me faut considérer la possibilité qu’Israël, dans son délire abyssal, puisse bombarder l’hôpital pour détruire cette plaque. Cela s’appelle «apprendre les leçons de l’Holocauste».

Tout ce que j’ai pu accomplir dans ma vie l’a été en rétribution des souffrances que leur a causé la Seconde Guerre mondiale, et qui les ont marqués pour le restant de leur vie. J’ai eu l’occasion de dîner un soir avec deux honnêtes vétérans de la Seconde Guerre mondiale et leurs femmes, nées allemandes. La conversation en est venu à leur mariage avec ces deux vétérans, en Allemagne, après la guerre. Elles avaient toutes deux participé aux Jeunesses hitlériennes. Cela ne me dérangeait pas fondamentalement. De nombreuses personnes avaient rejoint l’organisation pour gravir les échelons de la société nazie, tout comme ils auraient rejoint les boys scouts. Ils avaient dû faire des compromis moraux, tout comme le reste d’entre nous. Mais à un moment, l’une de ces femmes s’est exclamée, avec comme un gémissement dans la voix: «Combien de temps les allemands auront-ils à vivre avec cet Holocauste?» Ma première pensée a été: «Mes parents ont dû vivre avec jusqu’à la fin de leur vie, alors peut-être est-il juste que les Allemands de votre génération (elle devait avoir 70 ans) vivent aussi cela le reste de leur vie

Au moins, faites briller le soleil, je vous en prie, rien qu’un rayon de soleil.

NM : Seriez-vous capable de nous parler d’un moment qui vous a profondément marqué ?

NGF : Il n’est pas exagéré d’affirmer que l’Holocauste nazi était partout présent chez mes parents, depuis ce nombre bleu tatoué sur le bras de mon père, en passant par les images de la famille de ma mère, accrochées au mur du salon, la vision de ma mère scotchée à l’écran de télévision durant le jugement d’Eichmann, et jusqu’à sa réaction hystérique en voyant des vidéos du Viêt Nam au journal du soir. A chaque fois que je coupe une échalote, je vais jusqu’à la racine, me rappelant la valeur que pouvait prendre le moindre légume dans la soupe qui était distribuée dans les camps de concentrations.

Hier, je faisais visiter le Washington Square à un ami néerlandais. Je lui parlais de tous ces hippies qui venaient s’y retrouver dans les années 1960. Puis je lui ai montré une vidéo de Hair, le spectacle de Broadway. La chanson la plus connue de la pièce était Let the Sun Shine (Laissez briller le soleil), qui était filmée au Washington Square dans la vidéo. Pourquoi est-ce que je vous parle de cela? Parce que lorsque ma mère entendait cette chanson, qui parle de hippies adorant le soleil, à chaque fois elle s’effondrait en larmes. Elle se revoyait déambuler dans les rues du ghetto de Varsovie,  et prier «Au moins, faites briller le soleil, je vous en prie, rien qu’un rayon de soleil».

Et moi, qui ai atteint l’âge mûr de 61 ans, lorsque j’entends cette chanson, je ne pense pas aux hippies. Mais je pense à ma mère, parcourant le ghetto de Varsovie, dévastée, ravagée, sa famille exterminée, toute en os et sans muscles, contemplant les cadavres qui couvraient les rues, et elle qui ne pouvait que supplier: «Faites briller le soleil

NM : Le soleil est-il jamais revenu dans sa vie ?

NGF : Non. Elle a porté ce fardeau jusqu’à son dernier jour. Elle n’a jamais pu admettre l’idée que sa famille avait été exterminée. Ses deux sœurs, son frère, sa mère, son père. Elle n’a jamais pu l’accepter. En fait, même si elle l’avait pu, elle n’aurait pas laissé s’apaiser sa peine, elle ne voulait pas laisser leur disparition et continuer son chemin. Même arrivée à un âge où ses parents seraient morts de morts naturelle (elle est morte à 74 ans, mon père à 75), elle continuait à porter leur mémoire à chaque minute de chaque jour, et ce jusqu’à la fin de sa vie.

NM : Cela met-il nos problèmes en perspective ?

NGF : J’ai mon ego, j’ai mes bassesses, je souffre de chacune des faiblesses humaines, de nos afflictions narcissiques. Je suis bien souvent incapable de voir le choses de haut. Nihil humani a me alienum put, rien d’humain ne m’est étranger, était la maxime favorite de Marx. Nous sommes ainsi faits ; vous ne pouvez supprimer l’ego pour vous libérer et voir les choses de haut.

Traduit par Etienne, relu par jj et Diane pour le Saker Francophone.

La vidéo (en anglais) ci-dessous vous en dit plus sur la campagne de financement lancée par Norman Finkelstein sur Byline, pour soutenir l’hôpital Al-Awda de Gaza

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Le côté obscur de la force : Nous ne pourrons jamais être comme eux


Ne pas rater, en fin d’article la vidéo testament sous-titrée en français de Bertolt Brecht datant de 1939 


Par Dagmar Henn – Le 26 juin 2015 – Source thesaker.is

Ceci est un long rapport, et j’ignore combien de lecteurs auront la volonté de s’y intéresser. Il n’y a rien au niveau des considérations géopolitiques, ou un quelconque diagnostic à en tirer. J’ai plutôt tenté d’analyser le noyau essentiel de la confrontation et de rendre plus transparent le niveau d’éthique et de moralité afin d’expliquer comment, moi – qui suis athée, pour être honnête – je perçois le conflit du Donbass, en Ukraine, et le combat réel entre le Bien et le Mal, qui nous concerne tous dans son impact global, même si les conséquences ne peuvent être ressenties partout avec la même acuité.

De nombreuses vidéos, qui sont publiées en exemple et comme preuves dans ce texte, sont réellement dures à regarder. Cependant il est essentiellement vital d’affronter ces réalités, de prendre le temps, et de faire des pauses quand c’est nécessaire si on ne peut pas tout regarder d’un seul coup.

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Les gens polis de Novorussie

Préambule

Le passage sur Saker Francophone Facebook porte ses fruits. De nombreux contacts viennent déjà enrichir notre lectorat avec, parmi eux, Erwan qui s'est manifesté dès le 1er jour. Nous publions aujourd'hui l'un de ses textes. 

Il combat dans le Donbass et côtoie donc la souffrance de cette population.

Le but n'est pas de faire l'apologie de la violence et de l'engagement guerrier, mais de proposer le témoignage d'un acteur de la lutte anti-Système, sa vision à la hauteur de son engagement. Les témoignages concrets sont toujours révélateurs d'une réalité que l'on perçoit forcément altérée derrière un écran.

Nous remplaçons les médias, défaillants dans leur vocation, pour faire connaître la vision des «autres», ignorés ou diabolisés par ces mêmes médias qui «tapinent pour le Système» et ce témoignage y contribue. Vous pouvez consulter d'autres informations et des SITREP sur son site http://alawata-rebellion.blogspot.fr.

En 2014, alors que l'Ukraine implosait sous le choc du Maïdan, les régions russophones du pays refusant légitimement le coup d'État inconstitutionnel orchestré par les USA faisaient appel au droit sacré des peuples à disposer d'eux mêmes pour se protéger de la folie fasciste  des nouveaux maîtres de Kiev. D'Odessa à Kharkov, l'inquiétude des populations stigmatisées par les putschistes se transforma rapidement en manifestations de  protestation puis en revendication fédéraliste...

La première région à basculer dans la rébellion fut la Crimée, protégée par la présence légale des Forces armées russes de la Flotte de la mer Noire basée dans la péninsule. Dès le référendum organisé et annoncé début mars 2014, les unités militaires russes se sont déployées dans la péninsule pour protéger la population et prévenir les réactions violentes d'une dictature ethnocentrée de plus en plus menaçante.

Le Saker Francophone

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Un soldat syrien déambule dans Alep en ruine, il a quelque chose à nous dire


Par Sayed7asan – Le 19 mai 2015 – Source sayed7asan

Un soldat syrien parcourt Alep et évoque les accusations de crimes portées contre l'Armée Syrienne...

... à savoir défendre l’État et le peuple face aux hordes terroristes sanguinaires de Daech soutenues par une coalition militaire et médiatique internationale. Et qui plus est, remporter des succès sur le terrain et avoir gagné l'adhésion de la majorité des Syriens. Des crimes impardonnables, en effet.

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