Bismarck, les États-Unis et le grenadier de Poméranie


s258Par Martin Sieff – Le 5 septembre 2018 – Source Strategic Culture

Le célèbre et légendaire Reichskanzler (chancelier impérial) Otto von Bismarck a déclaré que tous les Balkans ne valaient pas la peau d’un seul grenadier de Poméranie. Bismarck était un grand propriétaire terrien, un junker, en Prusse, où les grenadiers de Poméranie étaient méprisés et moqués dans l’armée allemande.

Bismarck, the United States and the Pomeranian Grenadier

En 1890, le jeune nouvel empereur allemand Guillaume II limoge Bismarck après 28 ans de service en tant que ministre-président de la Prusse et ensuite premier chancelier impérial d’Allemagne. Il abandonne la politique prioritaire de maintien de liens chaleureux et de communications étroites avec la Russie, que Bismarck avait toujours suivie, et abandonne le Dreikaiserbund, la Ligue des Trois Empereurs créée par Bismarck, en 1871, avec les empires russe et austro-hongrois.

Au cours des 20 années suivantes, une Allemagne de plus en plus isolée s’est engagée étroitement avec le seul allié restant, faible, instable et inepte, l’Autriche-Hongrie, gouvernée par l’empereur des Habsbourg, François-Joseph.

En 1914, Guillaume II accomplit son idiotie la plus fatale : il donne un chèque en blanc aux dirigeants de l’Autriche-Hongrie pour envoyer un ultimatum à la Serbie pour son implication présumée dans l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand de Habsbourg à Sarajevo, acte qui entraînera la Première Guerre mondiale.

Par la suite, réalisant tardivement ce qu’il avait fait, Guillaume II a paniqué et a tenté d’éviter la catastrophe à laquelle il avait condamné son pays et toute l’Europe. Mais c’était trop tard. Plus de deux millions de jeunes soldats allemands sont morts pour rien dans cette guerre au cours des quatre années suivantes. Une guerre inutile, provoquée par des allégations de complicité d’assassinat dans les Balkans, a coûté la vie à bien plus qu’un seul grenadier de Poméranie.

Lorsque je grandissais en Irlande et en Grande-Bretagne, les causes de la Première Guerre mondiale étaient imposées à des millions d’écoliers. Aujourd’hui, je doute qu’un Américain sur un demi-million les connaisse. Pourtant, le Congrès à Washington et les médias américains demandent instamment au gouvernement américain de reproduire une catastrophe qui pourrait déclencher un holocauste thermonucléaire mondial.

Assassinat ! Au lieu de mettre en cause un minuscule gouvernement serbe, qui était en effet profondément impliqué dans le complot (mais pour lequel aucune preuve à l’époque n’était en fait découverte), nous voyons le gouvernement américain suivre le gouvernement britannique en accusant la Russie, sans aucune preuve, de l’assassinat présumé de Sergueï Skripal.

Un engagement stupide et téméraire ! Au lieu d’un Guillaume II donnant un « chèque en blanc » au gouvernement austro-hongrois pour déclencher une guerre avec la Serbie, provoquant une réaction de la Russie, nous voyons le Congrès américain faire pression sur le président Donald Trump pour qu’il impose des sanctions féroces à la Russie. Ces sanctions ont clairement pour but de détruire les 19 ans de progrès, de prospérité et de croissance du pays sous la direction du président Vladimir Poutine.

Une superpuissance permettant à un allié mineur faible, instable et irresponsable de mener une guerre destructrice !

Guillaume II, l’empereur des fanfaronnades se laissa, à la fin, mener comme un caniche, obéissant aux aventuriers et aux joueurs téméraires de Vienne. Aujourd’hui, Trump autorise la déformation de la politique américaine, risquant la survie de la nation, par loyauté envers une dirigeante qu’il méprise, Theresa May, Première ministre d’un Royaume-Uni en pleine décomposition.

Surtout, Bismarck savait que les petits pays qui se chamaillaient dans les Balkans ne valaient pas la vie d’un seul de ses troupiers, même comique.

Bismarck aurait considéré comme une guigne la politique interne de la Macédoine, du Montenegro ou de la Géorgie. Il aurait rigolé à l’idée que l’Estonie, la Lettonie ou la Lituanie pourraient, ou devraient, déterminer l’avenir des grandes puissances et des alliances mondiales.

Au lieu de cela, Bismarck a cherché à garder les grandes puissances hors de portée des régions périphériques qui engendraient historiquement la violence, les conflits ethniques et les assassinats.

Les politiques du Chancelier de fer ont maintenu la paix mondiale pendant deux générations. Leur abandon a provoqué la conflagration de 1914 qui a détruit la civilisation européenne.

Aujourd’hui, les États-Unis et leurs alliés doivent se souvenir et réapprendre la sagesse de Bismarck en abandonnant l’enthousiasme fatal de Guillaume II.

La survie de l’humanité en dépend.

Martin Sieff

Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker francophone

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