Belligérance tous azimuts : Trump veut reprendre le contrôle de l’Amérique latine


Ken Livingstone

Par Ken Linvingstone – Le 15 octobre 2018 – Source RT

Trump intensifie ses efforts pour provoquer des changements de régime dans les pays d’Amérique latine qui refusent de se plier à ses désidératas, tout en gardant un silence hypocrite sur les violations des droits humains commises par des alliés américains comme l’Arabie saoudite.

Ces dernières années, la droite a refait surface en Amérique latine. La première étape de l’élection du prochain président du Brésil a vu le candidat de droite Jair Bolsonaro remporter 46 % des voix. À deux semaines du scrutin final, il mène de 16 %.

Même si les gouvernements progressistes qui placent l’égalité, l’éducation, les soins de santé et la lutte contre la pauvreté au premier plan de leur politique sont toujours puissants dans la région, la dernière période a été difficile, y compris au Venezuela.

Mais il est également vital, en temps de crise, de se rappeler pour quoi se battent ceux qui, comme nous, participent à des campagnes de solidarité. Le décès d’Hugo Chavez en 2013 nous a tous bouleversés, mais les idéaux et les progrès sociaux pour lesquels il s’est battu ne sont pas morts avec lui. Ceux qui écoutent les médias de droite, ne voient en Chavez qu’un dictateur brutal, et refusent d’admettre qu’il a changé Venezuela en mieux. Chavez ne s’intéressait d’ailleurs pas uniquement à son propre pays : il voulait remodeler le continent tout entier. Il a été une inspiration pour ceux qui, comme lui, voulaient s’attaquer aux énormes inégalités et sortir du système néo-libéral qui nuit à la population.

J’ai eu l’honneur de le rencontrer lorsqu’il est venu à Londres en 2006 et de travailler avec lui par la suite. Ce qui m’a le plus frappé chez lui, c’est que contrairement à tant d’autres présidents et premiers ministres, c’était un homme simple, complètement dépourvu de la vanité ou de l’obsession de célébrité qui défigure tant de nos dirigeants. Il n’était pas issu d’un milieu politique et il avait passé sa carrière militaire à mener la lutte contre les guérillas qui tentaient de renverser le gouvernement réactionnaire du Venezuela. J’ai été très ému quand il m’a dit ce qui l’avait fait changer. C’est au cours d’une escarmouche où l’un de ses hommes, un de ses bons amis, a été abattu. Chavez l’a tenu dans ses bras pendant son agonie, et c’est à ce moment que Chavez a décidé que lui-même et son pays devaient changer.

J’ai pris la parole le week-end dernier lors de la campagne de solidarité avec le Venezuela, organisée pour commémorer le vingtième anniversaire de la première victoire électorale de Chavez. J’ai dit que nous devions faire connaître son vrai bilan.

Malgré les campagnes de diffamation des États-Unis et des médias, la tentative de coup d’État et les efforts incessants de l’opposition pour le chasser par des moyens antidémocratiques, Chavez est resté fidèle à son objectif de sauver le Venezuela. Comme on peut le voir par ses actes politiques :

  • Il a mis en place le Programme Mission Miracle qui a sauvé plus de 3,5 millions de personnes de la cécité en Amérique latine.
  • Il a fourni 1,2 million de logements bon marché aux plus démunis du Venezuela, et ce nombre ne cesse de croître depuis 2010.
  • Ses programmes d’éducation ont éradiqué l’analphabétisme au Venezuela, 1,5 million d’adultes ont appris à lire et à écrire.
  • Le nombre de Vénézuéliens bénéficiant d’une pension d’État a sextuplé.
  • Il a également mis en place un service national de santé qui a permis de sauver la vie de millions de personnes.

Malheureusement, l’économie vénézuélienne est aujourd’hui confrontée à de réels défis, la chute massive des prix du pétrole a sapé l’économie, les exportations de pétrole étant la principale source de revenu du pays. Mais ce qui a causé le plus de dégâts, ce sont les sanctions américaines contre le Venezuela, qui ont commencé sous l’administration Obama, et qui ont été considérablement aggravées par Trump. Il s’agit notamment de l’interdiction pour les États-Unis d’acheter toute dette ou créance du gouvernement vénézuélien et du géant pétrolier public PDVSA.

Il n’est pas surprenant que les sanctions économiques aient accru les pénuries de nourriture, de médicaments et d’autres biens essentiels tout en limitant la capacité du gouvernement à résoudre les problèmes économiques du pays. Ce sont les Vénézuéliens à faible revenu qui souffrent le plus. Les sanctions ont également accru la polarisation politique, rendant le dialogue indispensable plus difficile au moment où des voix internationales viennent soutenir les efforts du pays pour sortir de la crise.

Pendant sa campagne présidentielle, Trump a clairement indiqué qu’il voulait provoquer un changement de régime au Venezuela et on ne peut pas l’accuser de ne pas tenir sa promesse. Les sanctions contre le Venezuela, en sont la preuve d’autant qu’elles s’accompagnent de menaces d’une intervention armée.

On a appris le mois dernier, grâce au New York Times, que des officiers vénézuéliens dissidents avaient tenu une réunion secrète avec des responsables de l’administration Trump pour discuter du renversement de l’actuel président Nicolas Maduro. L’article expliquait que l’administration Trump avait refusé de les soutenir, mais les sanctions continuent. La Maison-Blanche a refusé de répondre aux questions sur ces entretiens mais a admis « dialoguer avec tous les Vénézuéliens qui manifestent un désir de démocratie afin d’apporter un changement positif à un pays qui a tant souffert ».

Il y a déjà eu deux tentatives ratées pour renverser le gouvernement de Maduro, dont une en août pendant un rassemblement à Caracas, où deux drones ont explosé sans toucher leur cible.

Ce n’est pas la première fois que Trump menace publiquement d’intervenir militairement. En août 2017, il a dit : « Nous avons le choix entre plusieurs options pour le Venezuela, y compris une option militaire si nécessaire. »

Cela fait des décennies que les États-Unis s’efforcent renverser des gouvernements progressistes ou parfois même des gouvernements qui affirment simplement leur souveraineté nationale, en utilisant toutes sortes de méthodes qui vont des coups d’État par des moyens détournés et discrets aux coups militaires, des sanctions aux blocus et de l’isolement international aux interventions militaires.

Les manifestations de belligérance tous azimuts de Trump, y compris sa volonté de construire un mur le long de la frontière avec le Mexique, sont accompagnées du versement de millions de dollars à des organisations qui œuvrent contre des gouvernements qui refusent d’obéir aux États-Unis, pour réaffirmer le contrôle américain dans la région.

Il n’y a pas que le Venezuela qui subit des sanctions, la République du Nicaragua et Cuba en subissent depuis près de soixante ans. Ce qui n’est jamais dit dans les médias, c’est que ces sanctions sont illégales en vertu du droit international. Mais l’Amérique a un droit de veto aux Nations-Unies et domine les principales institutions financières internationales comme le Fonds monétaire international et la Banque mondiale.

Des investissements dans son économie et une diversification qui lui éviterait de dépendre totalement du pétrole permettraient au Venezuela de résister à la politique de Trump. Espérons que le processus de dialogue qui se déroule au Venezuela et le succès des récentes élections régionales permettront de revenir à la normale et de relever les défis auxquels le pays est confronté.

Mais Trump n’a pas que le Venezuela en ligne de mire. Après la réélection des Sandinistes (FSLN) en 2016, la dernière attaque des États-Unis contre le Nicaragua est le Nicaraguan Investment Conditionality Act qui vise à bloquer les prêts de la Banque mondiale, de la Banque internationale de développement et d’autres institutions au Nicaragua. Le Nicaragua reçoit chaque année des millions de dollars de prêts pour investir dans les infrastructures et les programmes éducatifs et sociaux. Cette loi a été largement condamnée, notamment par les représentants des entreprises, le parlement et les syndicats.

Trump reprend l’attitude hostile de George W Bush vis à vis Cuba. En juin de l’année dernière, Trump a promis de revenir sur les modestes progrès réalisés sous Obama et de renforcer le blocus étasunien de l’île, malgré l’opposition de la plupart des Cubano-américains. Trump a aussi expulsé 60% des diplomates cubains pour satisfaire les partisans de la ligne dure.

Il faut savoir qu’il y a une alternative au programme de Trump. L’opposition à Trump se renforce aux États-Unis, en Amérique latine et dans le monde entier, y compris ici en Grande-Bretagne, où le dirigeant travailliste Jeremy Corbyn a fait preuve d’une réelle intégrité en étant la première personnalité politique nationale à demander à Theresa May de renoncer à recevoir Trump. Corbyn a dit : « Soyez sûrs que je m’opposerai et que le parti travailliste s’opposera à tous ceux qui attisent les peurs chez nous et à l’étranger, et le parti travailliste se tiendra sans équivoque aux côtés de ceux qui manifestent contre Trump et il le fera jusqu’à notre victoire. »

Ken Livingstone est un politicien anglais, il a été maire de Londres de 2000 à 2008. Il a également été député et membre du Parti travailliste.           

Traduction : Dominique Muselet

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